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Un nouveau quartier pour Chassiers (suite)

Des échos de l’éco-quartier.

Ecco l’éco-quartier…

Un éco-quartier, ques aco ?

Trois billets ont déjà évoqué cette question voir ici et aussi . mais surtout celui-ci

le Pradel

Jeudi matin, 24 mars 2011, s’est tenue la deuxième réunion d’un « Comité de Pilotage », créé par la commune de Chassiers en vue d’être aidée pour mettre au point un projet de construction d’un « écoquartier », à l’ouest du village, au lieu-dit « Le Pradel ». Une première réunion s’était tenue le 3 février.

Outre les élus de Chassiers et quelques personnes de la commune intéressées, le Comité de Pilotage est composé surtout par les représentants d’institutions dont les avis sont nécessaires pour obtenir les autorisations et les dotations liées au projet. Dirigé par les cabinet d’architecture et d’hydrologie Fabre/Doinel et IATE, il comprend le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche, le CAUE (aide départementale en matière d’architecture et d’urbanisme), l’Agence de Développement touristique, le Servie Départemental de l’Architecture et du Patrimoine, la Direction Départementale des Territoires (ex-DDE), le SEBA (syndicat intercommunal pour l’assainissement et la distribution d’eau potable), Pôle Energie, la FRAPNA (défense des patrimoines naturels) et « Vivarais Habitat » (entreprise spécialisée dans les logements sociaux).

Ce comité a pour but d’aider la Commune à construire ou faire construire un nouveau quartier qui réponde non seulement à ses objectifs mais aussi à ceux des organismes chargés de contrôler la gestion des territoires et l’utilisation des subventions qui l’accompagnent parfois. L’élément moteur de cet organisme est Madame Cécile Doinel, architecte.

La pré-histoire du projet.


Il faut d’abord noter, je crois, que la mise en place du Comité de Pilotage n’est pas intervenue dès le début de la réalisation du projet. Celui-ci avait déjà une histoire, son histoire ou sa pré-histoire, au moment où il a été pris en charge par le Comité. Et il faudra se demander si ce décalage dans le temps ne pèse pas sur la réflexion que le Comité est chargé de coordonner. En particulier, se demander si le projet n’est pas déjà orienté dans un certain sens qui n’est pas forcément celui qui se dégage progressivement des travaux de l’architecte.

Tout semble avoir commencé quand la Municipalité précédente a pris langue avec les propriétaires indivis d’un terrain de 18.000 mètres carrés, situé à l’ouest-sud-ouest du territoire communal, à proximité relative du village mais à l’écart de celui-ci : approximativement, l’écart correspond au cimetière, à l’espace de l’école et à une pinède. Les élus de Chassiers, apprenant que les propriétaires se mettaient d’accord pour vendre leurs parcelles, avaient aussitôt avancé le droit de préemption de la Commune, dans le but d’en faire une réserve foncière qui faisait défaut. Pour des raisons que j’ignore, la négociation n’avait pas encore abouti au moment des élections municipales de 2008.

Il semble bien (mais je n’en ai pas de preuves tangibles) que ce projet ait joué un rôle certain dans la formation de la liste (hostile à la municipalité sortante) qui devait être élue (13 conseillers sur 15) et qu’un certain nombre de rêves et de promesses aient éclos à cette occasion. C’est quasiment normal tant c’est habituel mais cela surchargeait le futur quartier d’idées qu’il faudrait bien ensuite sélectionner car on ne pourrait pas toutes les mettre en pratique ! Ce fut le nouveau Maire qui boucla l’achat à raison de 10 euros par mètre carré, prix relativement modique. Comme il s’agissait d’une réserve foncière, il n’y eut pas d’opposition au Conseil municipal à propos de cet achat, bien qu’un des conseillers ait fait remarquer qu’il faudrait se mettre d’accord sur ce qu’on allait en faire.

Dans un premier temps, les 18.000 mètres carrés se virent destinés à la fois à accueillir une véritable salle polyvalente pouvant recevoir 200 personnes, avec les parkings attenant, des logements sociaux, des logements pour personnes âgées ayant à s’occuper de personnes handicapées, des parcelles privatisées vendues bon marché pour aider les jeunes de la commune à s’installer et des parcelles privatisées vendues au prix du marché pour que l’opération fût rentable. Il eût fallu disposer de 5 hectares pour tout y mettre, car on savait qu’il faudrait aussi ne pas complètement effacer ce quartier de promenades lentes et y installer une zone de lagunage pour régler la question de l’évacuation des eaux de pluie ! Bref, il fallait, il fallut choisir…

On vit alors surgir, au sein du Conseil et du Groupe de Travail qu’il avait démocratiquement institué, l’idée d’un quartier à vocation écologique et résidentielle qui s’accorderait à la fois avec l’air du temps (propice aux subventions allant dans ce sens) et avec le label « Village de Caractère » que Chassiers était en passe d’obtenir enfin. Pour ce faire (et aussi parce que les voisins ne voulaient pas entendre parler, bien sûr, d’un lieu, bruyant, voire dangereux) on en élimina la salle polyvalente. Seulement, on se rendit compte qu’un quartier reconnu écologique par les décideurs départementaux et régionaux, voire européens, ne se réalise pas d’un claquement de doigts. Et puis, on rappela certains rêves et surtout certaines promesses…

Il y eut alors, mais en douceur et avec l’assentiment général, une sorte de pirouette : le Conseil municipal décida de détacher de la réserve foncière un peu plus de 3.000 mètres carrés pour les privatiser immédiatement. Cette amputation concerne la partie de la réserve qui est au dessus de la route de Coulens, en surplomb de celle-ci et qui renforce le caractère « en amphithéâtre » de ce quartier, un caractère qu’on retrouve d’ailleurs dans bien des hameaux de la commune. Sur le plan environnemental, c’était un choix catastrophique mais qui présentait bien des avantages : il était immédiatement applicable, donc rentable pour équilibrer le budget annexe ; il permettait de tenir une partie des promesses ; il pouvait même devenir écologiquement acceptable si on peaufinait un cahier des charges un peu contraignant. On vendit donc, à 50 euros le mètre carré, les 3.200 mètres carrés en cinq lots constructibles et on s’attela à la rédaction de ce fameux cahier des charges.

Ce fut, semble-t-il à ce moment que, pour se refaire une verte virginité, la municipalité accéléra les contacts départementaux et régionaux qui devaient aboutir à la formation du « Comité de Pilotage ». Au même moment, d’ailleurs, elle apprenait que le cahier des charges, pourtant très prudemment édulcoré, ne pourrait pas être opposable aux acheteurs des parcelles et que ses contraintes impératives devaient être comprises comme des conseils indicatifs. La réserve foncière du « Bosquet » y perdit même sa dénomination et devint « le quartier du Pradel », comme si on voulait insister sur l’autonomie des 3.200 mètres carrés arbitrairement détachés de l’ensemble.

L’inévitable boiterie du Comité de pilotage.


Lancée dans ces conditions, la réflexion du Comité de Pilotage sur le devenir du futur quartier est d’autant plus handicapée qu’elle ne prend pas en compte ces 3.200 mètres carrés, ni comme partie intégrante du projet, ni même comme aspect de l’environnement. Au cours de ses deux premières réunions, le Comité de pilotage n’a pratiquement pas évoqué l’évolution prévisible de son flanc nord-est, ce versant qui sera pourtant au contact direct du futur quartier. Les contraintes du cahier des charges ayant été transformées en conseils, on peut s’attendre pourtant à ce que le Pradel soit dominé par cinq villas individuelles plantées sur la pente, en fonction des goûts des propriétaires-acheteurs et sans plan d’ensemble : ce ne sera peut-être pas une catastrophe – croisons les doigts – mais ce ne sera pas non plus un environnement écologique.

La réflexion sur « Le Pradel » n’en a pas moins avancé. De façon qui me semble évidente, elle avance en prenant en compte deux durées fort différentes. La conductrice du Comité de Pilotage se place, comme sa mission l’exige, sur le long terme, tandis qu’une partie du Comité – les élus et les habitants présents, mais aussi le SEBA, la DDT, Vivarais Habitat – a l’œil plutôt fixé sur le court ou le moyen terme. Et, selon le zoom, ce qui se dessine pour le futur quartier est assez fluctuant.

Pour le long terme (et il s’agit ici d’une ou deux décennies), l’orientation proposée par Mme Cécile Doisnel emporte visiblement la conviction de tout le monde, et en tout cas la mienne. Si l’on suppose réglés les problèmes liés à la circulation automobile, à la circulation piétonnière, à l’assainissement, vouloir encourager la création d’un quartier où seraient pris en compte de façon prioritaire le respect de la tranquillité des riverains, la possibilité de promenades douces, la mixité sociale, les futures conséquences des modifications climatiques annoncées, tout cela emporte l’adhésion et ne semble pas hors de portée.

Toutefois, le long terme englobe le court terme et il ne faudrait pas que des initiatives prises sur le court terme créent des situations qui rendent impossibles la réalisation des projets à long terme. Or, les élus locaux sont obligés de tenir compte d’exigences immédiates – comme l’équilibre financier ou le respect de certaines promesses – et, pour y répondre, ils sont conduits à des choix qui risquent de rendre impossible le projet à long terme. J’ai déjà parlé des 3.200 mètres carrés, dits « du Bosquet », irrémédiablement perdus pour l’éco-quartier. Mais il y a plus : une délibération récente du Conseil Municipal fait obligation au Maire d’équilibrer le budget annexe sans recourir au budget principal de la Commune. Si cette décision n’était pas annulée ou au moins détournée, elle obligerait à la fois à réduire les dépenses d’équipement pour le nouveau quartier et à chercher des recettes supplémentaires sur place. Mais les seules recettes supplémentaires envisageables (et envisagées!) à partir de la réserve foncière, ce sont les ventes de terrains à des particuliers, c’est-à-dire la création de six ou sept lots (dans l’état actuel des supputations) privatisés comme le sont déjà les cinq lots du Bosquet.

Les plans « à la louche » présentés à la deuxième réunion du Comité prévoient d’ailleurs de réserver 5 à 6.000 mètres carrés dans la partie haute du Pradel pour sept lots. L’architecte qui anime le Comité a bien insisté pour recommander qu’y soient aménagés des écoulements d’eau et des sentiers excluant la circulation et le stationnement automobile longue durée et pour que des possibilités d’échanges soient maintenus entre ce relativement haut quartier et le reste, que ce soient les habitants des logements pour personnes âgées ou les jeunes des logements plus sociaux. Mais sera-t-il possible d’imposer des contraintes, alors que celles-ci n’ont pas opéré au Bosquet ?

Mais il y a encore plus préoccupant : les sept lots en question peuvent être vendus très vite et gageons que leurs propriétaires voudront veiller dans leur majorité à ce que la fameuse mixité sociale n’interfère pas avec ce qu’ils considéreront comme leur liberté et leur sécurité. Certes cette vente devrait rapporter quelques 300.000 euros, mais cette somme intéressante suffira à peine pour construire la moins coûteuse des solutions envisagée par la DDT pour désenclaver le quartier: il ne restera rien pour les autres aménagements, jugés pourtant indispensables par le Comité de Pilotage..

Deux propositions?

Il semble que le Comité de Pilotage soit conscient de ces risques, car deux propositions ont été avancées, fort timidement , pour en tenir compte. Aucune des deux n’a cependant été vraiment examinée. La première consiste à considérer qu’avant toute vente qui hypothèque l’avenir du quartier, il faut d’abord s’occuper de l’équiper en réseaux collectifs : route nouvelle, voirie secondaire, voirie de promenade, assainissement (y compris assainissement bio), évacuation des eaux pluviales (le quartier est au dessus de celui des Fourniols et on sait ce que cela veut dire). La seconde (qui s’accommoderait fort bien de la première) consisterait à suivre l’idée avancée par l’architecte du CAUE qui rappelait qu’il est toujours possible de vendre non pas des lots à construire mais des lots déjà construits en fonction d’un plan raisonné s’intégrant beaucoup plus facilement dans un projet écologique et collectif que des initiatives individuelles. Cette orientation devrait être creusée mais la réunion du 23 mars n’a pas mandaté Mme Doisnel pour qu’elle y réfléchisse.

Il me semble aller de soi que ces propositions (ne serait-ce que la première) impliquent le moyen et le long terme pour la réalisation du projet : si on se place dans cette optique, il me semble illusoire d’espérer en avoir fini avec les infrastructures et les équipements avant la fin de ce mandat (2014), ce qui signifie qu’il faudrait attendre la fin du mandat suivant pour que les logements puissent être livrés (2018-2020?). On doit bien comprendre en effet que, dans cette optique, l’engagement de la Commune sur le nécessaire équilibre du budget annexe ne pourra pas être tenu : les travaux ne pourront avancer qu’au fur et à mesure que d’anciens emprunts du budget principal se termineront ce qui permettra alors d’en lancer de nouveaux à affecter au moins partiellement au budget annexe.

Si on veut au contraire hâter le pas, alors la Commune vend dans les mois qui viennent les sept lots prévus à cet effet, emploie le produit de la vente à un équipement basique, autorise « Vivarais Habitat » à construire logements sociaux, logements pour personnes âgées, bâtiment collectif et tout cela peut sortir de terre avant 2014. Mais il faut comprendre alors que le nouveau quartier ne répondra pas aux critères pour lesquels le Comité de Pilotage a été mis en place. Il n’y aura pas de véritable cahier des charges pour la partie privatisée et les équipements seront vraiment basiques, juste faits pour être en conformité avec les règlements les plus élémentaires. Et on aura aux portes du Village de Caractère un quartier qui en manquera singulièrement. Et le résultat des travaux du Comité de Pilotage se réduira à la recommandation de quelques précautions secondaires, suivies ou non d’effets.

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Il semble bien qu’il y ait une quasi-unanimité, en Ardèche, pour refuser l’implantation de forages visant à estimer puis, éventuellement, à exploiter les ressources en méthane que les parties schisteuses du sous-sol profond peuvent contenir. Cette unanimité se traduit pour l’instant par le succès des campagnes d’information entreprises par des comités de lutte qui se sont créés à cette occasion : plus de 600 personnes à un rassemblement de l’Ardèche méridionale à Saint-Sernin, alors que les organisateurs n’en attendaient que quelques dizaines ; environ 80 personnes à une réunion d’information à Chassiers, trois fois plus que souvent et, lors de la manifestation nationale organisée à Villeneuve-de-Berg, le samedi 26 février, la Préfecture de l’Ardèche a avoué 10.000 manifestants. Il est remarquable que l’unanimité se retrouve au niveau des élus : le député de droite comme le sénateur de gauche, le conseiller général de Largentière comme son homologue de Vallon, tous les maires des cantons concernés. C’en est au point que les écologistes les plus véhéments, les chasseurs ou les professionnels du tourisme en arrivent à envisager de travailler ensemble.

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Pourquoi cette unanimité? Elle est due à la conjonction de deux sortes d’informations. D’une part et paradoxalement, le manque d’informations, le secret. D’autre part, quand celui-ci a commencé à être dévoilé, les impacts multiples et gravissimes révélés par ce dévoilement.

On a ainsi appris que des permissions de forages sur le territoire national avaient été attribuées par les pouvoirs publics à des entreprises et ce, depuis plusieurs années, avec accélération récente, sans que les médias n’en aient parlé, sans qu’ils en aient été avertis et sans que les commissions parlementaires aient été tenues au courant.

Pour prendre un exemple assez spectaculaire de ce secret : la multinaltionale « française « Total » (dont nous verrons qu’elle est au premier chef concernée par ce genre de recherches) a diffusé en mars 2007 un petit volume de publicité ou de propagande (je veux dire de communication) à destination de la partie du public qui s’intéresse aux actions financières du groupe. Cet opuscule – intitulé « Tight-gaz-réservoirs » est accessible sur la Toile mais il n’est visiblement là que pour vanter les mérites de « la Recherche & Développement » (R&D) du groupe.

Total a de solides assises financières, Total est audacieux, Total est efficace. Investissez donc dans Total! On s’aperçoit alors que la brochure donne quelques indications peu précises sur les prospections visant les réserves de gaz naturel non conventionnelles ( celles qui sont enfermées dans des couches d’accès très difficile, à la différence des réserves conventionnelles qui correspondent à des gisements bien circonscrits) mais qu’elle exclut la partie des réserves non conventionnelles qui nous intéresseraient pourtant, à savoir les réserves de gaz enfermées dans des schistes profonds. La brochure fait bien allusion aux forages horizontaux et au fractionnement explosif, mais elle laisse entendre que ces techniques sont maîtrisées et qu’elles s’appliquent surtout aux « tight gas », ce qui n’est pas la vérité.

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(Il est possible d’avoir sur le plein écran cette image en plus forte résolution : il suffit d’un clic-gauche dessus puis taper la touche F11)

Or, en 2010, le secret a commencé à s’ébruiter, notamment quand le Conseil Régional de Midi-Pyrénées s’est aperçu qu’un rapport de la Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement, dormant dans ses tiroirs, faisait état qu’en octobre 2007 la technique du « fractionnement hydraulique » a été utilisée par la société ENCANA pour stimuler l’extraction de gaz de schistes en Haute-Garonne. C’est cette technique du « fracking » ou fractionnement hydraulique qui pose dans l’immédiat le plus de questions . Et elle en pose tellement qu’il faudra bien se demander ce qui peut se passer dans les têtes des « managers » et des responsables des départments de R & D (Recherche et développement) quand ils disent estimer que leurs modèlisations et leurs calculs sont assez au point pour être expérimentés en milieu réel non désertique. Par exemple, en Ardèche. Comment en sont-ils arrivés là ?

La R&D demande et fabrique des équipes de chercheurs extrêmement savants dans des domaines hyperspécialisés, « pointus » et dont l’irréalisable rêve est que l’homo scientificus coïncide complètement avec la raison mathématique. Sélectionnés dès le lycée, ils sont convaincus – sans réfléchir à cette conviction – que le réel est rationnel et que le rationnel est le réel enfin maîtrisé. Bien entendu, ce rêve n’est pas vécu comme un rêve : c’est un postulat. Un préjugé quoi !

Encouragés et excités par leur encadrement et les commanditaires de la R & D, ils sont persuadés que la R & D ne se pose que des problèmes qu’elle peut résoudre et que les énergies fossiles sont indéfiniment non-non renouvelables ! Laissant aux poètes les « énergies renouvelables », ils savent que leurs connaissances vont progresser au fur et à mesure de l’épuisement des sources conventionnelles d’énergie et qu’alors ils parviendront à exploiter les ressources non conventionnelles.

Certes, les hydrocarbures piégés dans des poches bien circonscrites donnent depuis longtemps des signes d’épuisement, mais depuis longtemps les progrés de la R & D ont permis, par des forages profonds ou des forages « off shore », d’en trouver de nouvelles. Bien sûr, ces nouvelles poches piègent toujours de la ressource fossile et qui ne se renouvèle pas, mais elles nous ont fait gagner du temps et ce temps a permis à la R & D de mettre au point les techniques qui forent de plus en plus profond et qui ne forent pas seulement de façon verticale : la R & D peut s’enorgueillir (et elle s’enorgueillit effectivement, ce qui permet d’obtenir des subsides supplémentaires) d’avoir inventé comment forer horizontalement ou obliquement par rapport au fond d’un puits vertical.

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Pourquoi cet infléchissement du forage qui a lieu parfois à 4.000 mètres de profondeur? On nous explique qu’à un certain moment la tête de forage rencontre les couches de schistes à gaz. Ces schistes enferment le méthane qu’ils contiennent mais ils ne le font pas à la manière des pièges gréseux qui enferment les gisements conventionnels. Ils ne forment pas une poche. Ou alors c’est une poche percée. En fait, une multitude de petites poches, de minuscules pièges qui ne communiquent pas entre eux ou plus exactement dont la porosité et la perméabilité ne permettent pas aux billes de gaz de communiquer entre elles tant que les parois du schiste les en empèchent. La R & D est toute fière d’avoir permis aux industries de mettre au point des moyens qui traversent les couches de schiste en en suivant le pendage et les ruptures de pendage.

Et elle nous explique qu’à l’aide de séismographes et de carottages, elle a pu rassembler une mine d’informations qui lui permettent de modéliser non seulement l’état actuel de la couche schisteuse et de son environnement mais ce qui va se passer quand on fera exploser les parois des bulles pour que le gaz se rassemble et soit aspiré par les tuyauteries du forage. Car il s’agit de fractionner la roche-mère, de la fracturer, de la fracasser. Mais pas avec n’importe quel explosif.

L’explosif n’est pas un explosif, bien sûr, c’est un liquide, énormément de liquide à très haute pression, en fait de l’eau (et il en faut plus que beaucoup) avec des adjonctions de sable et d’un petit pour cent (un tout petit pour cent, le pauvre) de quelques centaines de produits chimiques top secret et dont il faudra reparler. La pression de ce liquide va alors fissurer les schistes et permettre au gaz libéré de remonter à la surface en suivant le chemin prévu à cet effet le long de la colonne de forage. Et là-haut, il sera brûlé en torchère avant d’être liquéfié ou placé en gazoduc. Tout est prévu, on vous dit !

C’est pourtant là que le bât blesse. La R & D est persuadée et elle veut nous persuader qu’en une quarante d’années d’expériences soigneusement analysées, elle s’est rendue capable de construire des modèles suffisamment subtils pour qu’ils donnent une image exacte de telle ou telle strate de schistes et de son environnement rocheux. Si la société Halliburton qui, dès 1972, mettait au point son procédé « Waterfrac » (fracturation hydraulique) et qui n’a pas cessé de perfectionner ses recherches en R & D, si cette société n’était pas capable de modéliser correctement, où irions-nous ? Et pourtant…

Et pourtant, Halliburton (ou Total ou GDF Suez…) est incapable de modéliser correctement ce qu’elle affirme modéliser correctement. Il n’est même pas sûr qu’elle puisse espérer (espérer rationnellement !) y parvenir un jour car le concept de modélisation implique que le modèle construit sélectionne dans l’objet étudié les grande lignes de forces et néglige consciemment ce qui leur échappe, s’interdisant par cette logique de connaître ce qu’il néglige. Or, ce qui est négligé ici ce sont les mécanismes physiques et chimiques que peuvent entraîner toutes ces microfissures aléatoires, ces réactions erratiques, ces variations microscopiques ou minuscules de faciès, de pressions, de températures, bref ce qu’on pourrait appeler la vie de l’inerte.

Et il peut arriver que la vie de l’inerte, malmenée par des modèles inadéquats, malmène la vie du plus vivant des vivants. C’est ce qui arrive en ce moment même dans la première puissance mondiale, à deux pas de la bande littorale du Nord-Est, là où se trouve les bassins versants des Appalaches qui alimentent en eau les conurbations de Boston, Philadelphie, New-York, Baltimore. Dans le district de « Marcellus Shale », truffé de puits pour le gaz de schiste, l’eau est devenue imbuvable et inutilisable parce qu’elle est empoisonnée par la présence de méthane, de benzène, de détergents qu’on ne finit pas de recenser. Vous pouvez approcher un briquet de votre robinet et il flambe. Au moins un puits a explosé. Une maison aussi. Tout y semble pourri. Pourri de l’intérieur. Pourri d’en dessous. Et on sait ce qui s’est passé. Et on sait ce qui se passe en ce moment même.

Villeneuve

En ce moment même, le modèle mis au point par la R & D est mis à mal par le flux d’eau, de sable et de produits chimiques qui s’infiltre à travers ses lacunes, qui s’infiltre, qui s’exfiltre à travers les microfissures de la roche. La majeure partie, certes, demeure dans le tube et peut être remontée à la surface comme par une pipette, suivie par le méthane enfin domestiqué, aux aplaudissements rieurs de la R & D qui se congratule. La majeure partie, oui, mais le reste ? Et qu’importe que ce reste soit évalué par le modèle à 10%, au quart ou à la moitié, le reste est empoisonné (et empoisonnant) et commence à circuler : il suinte, le reste, c’est sa fonction. Une partie de ce reste remonte. Percole. Atteint les aquifères, se rit du barrage de béton que la R & D a dressé autour des tubes de forage, baptise l’eau des nappes au méthane, au benzène, aux poisons. Et ce beau merdier est à son tour pompé par la distribution d’eau dite potable. Et parfois en surface un puits flambe. Ou c’est parfois une maison. On trinque à l’eau gazée. On trinque.

La R & D avait-ellle prévu ça? Quand un modèle est parfait, il doit permettre d’envisager les effets de ce qu’il néglige pour être un modèle parfait. Même aux States où la vie humaine est moins protégée qu’en Europe occidentale. Même dans les Appalaches où la densité démographique est relativement faible et d’ailleurs assurée par des populations marginalisées regardées de haut par les ingénieurs d’en bas. Même en Ardèche.

L’unanimité de la réaction locale en Ardèche et ailleurs a entraîné ce qui peut apparaître comme un recul des pouvoirs publics ou, au moins comme une mise au point. En témoignent, lors des questions au gouvernement du mercredi, ces « échanges » entre un des ministres chargés du dossier et une députée du Var appartenant à la majorité présidentielle.cliquer ici. .

Il y a tout de même quelque chose d’un peu inquiétant dans la réponse de Madame le Ministre. En gros, elle nous dit de ne pas nous inquiéter, de bien comprendre que les cas de pollution évoqués (d’ailleurs fort timidement) par la parlementaire ont eu lieu aux USA (et au Canada), qu’ils témoignent de procédés « à l’américaine » et qu’il n’est pas question de les introduire tels quels en France. Avec son collègue de l’industrie et de l’énergie, elle a d’ailleurs missionné deux groupes de travail sur la question. Même si – contrairement à toute prudence et à ce que nous savons tous sur l’indépendance des experts par rapport aux lobbies industriels – nous faisions confiance à ces commissions, pourrions-nous croire, comme nous y invite la Ministre, qu’il y a une R & D à l’américaine et une R & D à la française ou à l’européenne ? Total ou GDF Suez, Encana ou Schuepbach Energy disposeraient donc de départements pour la R & D capables de ne pas tenir compte des résultats scientifiques atteints par Halliburton en quarante années de travaux ? C’est aussi convaincant que les conclusions de la fameuse commission sur les conséquences de Tchernobyl et le respect de l’espace français par le nuage radio-actif ! Non : s’il y a un domaine où la mondialisation et même l’universalisation sont avancées c’est bien la R & D. Non, pour la R & D universelle, les travaux de Halliburton font autorité

Donc, de deux choses l’une : ou bien, le gouvernement hésite à dire clairement aux industries pétrolières misant sur le gaz naturel non conventionnel qu’il est impossible d’exploiter celui qui se trouve dans les schistes français ; ou bien, le gouvernement hésite à dire clairement aux populations concernées qu’elles seront obligées, par des Déclarations d’Utilité Publique, d’accepter l’impensable. En attendant, dans les deux éventualités, un petit moratoire, ça permet de souffler.

gazaran

Au sein du gouvernement, il semble que la ministre de l’Ecologie soit plus sensible que d’autres ministres aux tentatives des entreprises pétrolières de passer en force et qu’elle leur résisterait volontiers avec ce moratoire sur les autorisations d’exploration. Elle tient à faire cette distinction – moins significative qu’elle le prétend – entre forage d’exploration (consistant parfois, comme à Villeneuve-de-Berg à réactiver un ancien forage vertical en y ajoutant, et ça change tout, du fractionnement hydraulique pour en faire un forage horizontal) et forage d’exploitation « à l’américaine ». Cette distinction lui permet aussi de s’abriter derrière le Code Minier pour affirmer qu’elle ne peut pas annuler les permis d’exploration actuellement accordés. Bref, un petit côté faux-jeton qu’on va attribuer provisoirement à son souci de ne pas affronter directement certains de ses collègues du gouvernement ou de l’Elysée. L’échange suivant, qui a eu lieu, lors d’une autre question du député PS de l’Ardèche, Pascal Terrasse montre toutefois que la ministre pointe du doigt (sans insister, bien sûr) un argument que ne manquent pas d’utiliser les tenants du gaz de schiste. Madame Kosiusko-Morizet répond au député qu’exploiter du gaz de schiste dans le sous-sol français permettrait quand même d’échapper en partie aux importations d’hydrocarbures. C’est-à-dire qu’elle feint de croire qu’il existe potentiellement des techniques qui permettraient rapidement d’exploiter le gaz de schiste proprement (« à la française ») et que la mission confiée par elle et par son collègue, ministre de l’Industrie et de l’Energie, pourra, en quelques semaines en apporter la preuve.Un simple petit moratoire de communication suffirait alors à rassurer tout le monde !

Or, au fur et à mesure que les informations arrivent sur ce qui s’est passé depuis que le gaz de schiste est au bord de la place publique, on apprend des événements inquiétants. Dans cette interview, Corinne Lepage dénonce, par exemple, une initiative gouvernementale récente, puisqu’elle s’est déroulée en décembre et en janvier dernier, et qui a permis au gouvernement, par ordonnance, sans passer par le Parlement, de modifier le Code Minier de manière que le Code Minier interdise au gouvernement d’annuler les permis de recherche déjà attribués !

gazaran

Je voudrais développer ici ce que j’évoque dans le commentaire ci-dessous. L’incapacité de la R&D à modéliser ce qui se passe à des centaines de mètres de profondeur – pour des roches particulièrement feuilletées, brisées, fractionnées de façon aléatoire – est une incapacité durable dont il faut se demander si elle n’est pas définitive.

C’est peut-être le moment de reprendre les intuitions raisonnées de Michel Serres quand il invite les experts des sciences dures (à vocation technique conduisant à modifier « la nature ») à chercher avec leurs homologues des sciences douces (les « sciences humaines ») des passerelles à double sens pour permettre non plus l’humanisation de la nature (humanisation productiviste qui se traduit souvent par la transformation des hommes en choses) mais ce qu’il appelle « l’hominescence ».( On peut commencer ici)

Peut-être faudrait-il profiter de l’occasion pour souligner qu’il y a dans la recherche, quelle qu’elle soit, des limites qu’elle ne peut pas franchir et qu’elle ne doit pas essayer de franchir en prenant le risque d’exploser localement la nature et ceux qui, vivant avec, la font. Avec l’exploration des sous-sols profonds pour le gaz de schiste et, à fortiori, avec leur exploitation, cette limite semble bien être franchie.

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fenestrous

Pour plus de confort, il est possible de faire un clic gauche sur cette image, suivi de la touche F11…

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Comme un précédent billet le rappelait, je me suis facilement laissé prendre dans l’équipe locale chargée de mettre au point la signalétique à placer dans le village pour que les visiteurs sachent bien qu’ils se trouvent dans un « village de caractère ». Défini par le terme flatteur de « personne ressource », je suis censé apporter une caution scientifique à la réalisation d’un programme prioritairement touristique qui vise à mettre en relief et en valeur les vestiges historiques si nombreux dans le village. Je viens finalement de donner mon accord pour la validation de cette signalétique.

De multiples raisons, effectivement plus ou moins en rapport avec « la science historique », m’y ont incité, notamment l’attention et la compréhension de la Municipalité et de ses conseils. Ont pu ainsi être « sacrifiées » des affirmations, naguère tenues pour démontrées (alors qu’elles ne le sont pas) et qui auraient permis de présenter aux visiteurs un passé à forte valeur ajoutée, mais d’une valeur assez frelatée au regard des exigences scientifiques. Mais surtout, il a été facilement accepté, parce que facilement compris, qu’on peut s’appuyer sur les énigmes de l’histoire locale pour la valoriser ce qui a permis de proposer au public un récit ouvert qui ne dit pas « voici ce qui fut » mais « voilà ce qui reste ».

Cela dit – et il est sans doute impossible qu’il en aille autrement – j’ai éprouvé, au moment de donner mon accord, un agacement certain devant les dernières tentatives, assez efficaces, pour tirer le travail loin de l’histoire « scientifique » vers la promotion très commerciale (sous couvert parfois d’esthétisme ou de moralité) de certains produits locaux tels que le vignoble ou les visions passéistes du passé. Un exemple : j’avais proposé pour les panneaux de la signalétique un texte qui aurait permis d’attirer, sans insistance, l’attention des visiteurs sur le fait que « le château de la Motte », tel qu’on peut le voir actuellement, ne peut pas être dans le droit fil de ce qu’il fut peut-être à la Renaissance, puisqu’à la fin du dix-neuvième siècle, par manque d’entretien (et non à la suite de quelque attaque bien héroïque), il avait été abandonné par ses propriétaires qui avait fait construire une résidence annexe à proximité. Or, le manque d’entretien en question a été ressenti comme une sorte de jugement méprisant sur la gestion des propriétaires de l’époque ! Je n’exclus pas du tout que ce ressentiment soit sincère, mais, outre que je ne vois pas comment un texte du vingt-et-unième siècle peut atteindre des personnes vivant il y a un siècle et demi, je trouve particulièrement vide de sens le concept de « propriétaires du château » : ceux d’aujourd’hui ne sont en rien responsables, ni comptables, ni gratifiables des faits et gestes de leurs prédécesseurs successifs. La valeur marchande du château risque-t-elle d’en souffrir ?

Finalement, le texte a été modifié et j’ai accepté assez sereinement qu’il en soit ainsi, mais je vois encore dans cette intervention tardive un des signes de l’ambiguïté du programme « Village de Caractère » quant à ce que ce programme appelle « l’histoire ». L’histoire (et dans ce cas, il est bon de lui mettre une majuscule), l’Histoire donc devient un produit d’appel, susceptible de draguer le chaland, préalablement formaté, le chaland, par les biais des techniques de la communication, pour demander de bons vestiges bien cartésiens qui s’intégreront facilement dans une Histoire locale, elle-même dérivée de la grande Histoire, elle-même réduite à la Vulgate nationale ou européenne. Et, à partir de ce produit promotionnel, bien empaqueté par la signalétique, notre chalandise va laisser sur place des euros bien sonnants, encore que trébuchants quelque peu.

Je ne feindrai pas de m’indigner plus longtemps d’un processus dont il était évident dès le début qu’il irait jusqu’à son terme. Mais je tenais à manifester fugitivement ce léger mouvement d’humeur pour attirer l’attention – je dirais une fois de plus, si je pouvais ignorer le caractère ultra-confidentiel de « Ailleurs-Sur-Toile » – sur la contradiction que tout historien ou tout lecteur de récit historique rencontre en permanence : il y a quelque chose en chacun de nous qui exige que l’Histoire s’approche au plus près de « ce qui fut réellement », mais plus nous prenons au sérieux ce besoin, plus nous en pressentons le caractère irréalisable. Plus nous progressons dans notre connaissance du Passé, plus nous nous convainquons qu’il n’y a pas de progrès en ce domaine, sauf à considérer comme progrès l’accumulation des archives (nous savons maintenant que tout est archive, y compris l’éphémère fleur de la saponaire qui se greffe sur les échauguettes de la forteresse) ou la multiplication des points de vue dont nous continuons à vouloir croire qu’ils finissent par bâtir une sorte d’image stroboscopique du Passé.

Malgré tout l’injonction demeure, et très forte : les historiens doivent nous restituer le Passé tel qu’il fut quand il était Présent ! Si je passe aujourd’hui devant le château de la Motte, je comprends tout de suite qu’il s’agit d’un vestige, d’un reste, mais je demande à l’histoire de me raconter ce reste de manière que je puisse retrouver ce que fut « un château-fort du Moyen-Âge » avec son village autour. Et si la documentation recensée ne permet pas aux historiens de dater de façon certaine la construction du château, s’ils sont sûrs au contraire que les restes actuels portent les marques de « restaurations » successives (deuxième moitié du seizième siècle et première moitié du vingtième siècle) et si, du coup, ils proposent un récit qui met plutôt l’accent sur les images que Guillaume de la Motte, vers 1580, ou Jacques et Inès Henry, vers 1950, ont pu se faire de ce fameux château-fort, alors je m’agace de toutes ces hésitations, même si je perçois que l’allure « florentine », que tant de mes contemporains lisent dans le château et ses alentours, suggère autre chose que sa supposée vocation de forteresse.

À tant vouloir répondre positivement à cette exigence, on se condamne non seulement à poser des affirmations abusives mais aussi à manquer un des charmes de l’Histoire : la perception que celle-ci est un récit, un roman si l’on veut, et même un conte, qui est toujours en cours d’élaboration, de refonte, de réajustement, un récit qui est en fait en permanence à l’état naissant ou renaissant. Que ces transformations du récit ne nous rapprochent en rien d’une « réalité » insaisissable (à supposer qu’elle fût!) peut décevoir mais permet en même temps de ressentir le surgissement neuf (et assez exaltant) d’un nouveau possible.

À la différence toutefois du conte ou du roman, le récit historique doit aussi prendre en compte ce qui est considéré, au moment où il s’invente, comme de la documentation et c’est cette exigence qui, le corsetant, lui confère son caractère scientifique.

J’ai beau prendre plaisir à proposer de lire dans le Château de la Motte actuel des tentatives successives pour construire une maison-forte sur le modèle des forteresses médiévales, non pas tant pour que ce soit solide mais par plaisir esthétique ; j’ai beau utiliser ce que je sais de la documentation pour proposer même trois moments-clés pour ces tentatives (début du 16ème siècle, fin du 16ème siècle après l’incendie, fin du 19ème siècle, à la suite d’une longue période de mauvais entretien) ; je sais que si un jour quelqu’un produit une pièce attestant que la tour nord existait au 13ème siècle et une autre pièce attestant que la tour sud existait au 14ème siècle, alors je serai bien obligé de revoir ma copie. Tant que ce n’est pas le cas, je maintiens que le récit est plus cohérent (avec lui-même et avec la documentation) quand il suppose qu’en 1396 (date admise de la construction ou de la reconstruction de l’église paroissiale), il n’y avait ni murailles ni château à Chassiers et que ce fut sans doute une des raisons qui obligea la communauté chassiéroise et Jacques de Chalendar à se lancer dans la construction d’une église fortifiée pour participer à « la mise en défense du Royaume » souhaitée par le Roi, en cette période de Guerre de Cent Ans.

Quelques années avant 1396 (en 1384, je crois), Jacques de Chalendar a épousé Jeannette de Chassiers. Il est, à ce moment-là, le représentant d’une famille notariale qui remplit une fonction importante (lieutenant ou « tenant lieu ») au près de la Sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg, créée un siècle auparavant. C’est donc un noble par la plume plus que par l’épée et cela ne suffit pas pour garantir qu’il ait eu un château en sa possession. Son mariage avec Jeannette de Chassiers le lui a-t-il apporté ? Ce n’est pas impossible, mais rien ne le prouve. Au contraire. Si on admet que la création de châteaux-forts obéit surtout à des considérations militaires (liaison logique, mais à vérifier) et si on remarque que le dernier épisode guerrier remonte alors au début du treizième siècle – ce fut le long conflit entre les comtes de Toulouse et les évêques de Viviers – on constate que la documentation fait état de plusieurs châteaux dans les environs mais qu’un seul peut correspondre au territoire actuel de Chassiers, celui de Fanjau. Et encore, ce dernier dut être détruit par Amaury de Montfort sur injonction du roi de France, si bien qu’il semble bien n’en rester rien.

Il est donc assez invraisemblable que Jeannette de Chassiers ait apporté à Jacques de Chalendar quelque château que ce fût. Et, du coup, il devient très vraisemblable (mais non prouvé !) que c’est l’arrière-arrière-petit-fils de Jacques de Chalendar, Guillaume, premier du nom, qui, vers 1500, a fait construire l’ancêtre du château actuel, non pas en tant que forteresse mais comme une villégiature s’inspirant largement des représentations que l’on avait alors des châteaux-forts. C’est son fils Guillaume, second du nom, qui a assisté en 1568 à la destruction partielle de la demeure familiale lors d’un des épisodes des guerres religieuses et qui en a entrepris la première reconstruction (probablement sur le même modèle à l’aide de subsides votés par les Etats du Vivarais).

J’ajouterai ici que la documentation existante permet de dresser un portrait humaniste de Guillaume II de la Motte, ami d’Olivier de Serre, essayant comme lui de ne pas envenimer les confits religieux, notamment en 1572, portrait qui aide à comprendre que ce château-fort soit rapidement apparu moins comme une forteresse que comme une sorte de décor pour « Théâtre d’Agriculture » invitant à la mesure et à la méditation, bref au « Mesnage des Champs ». Je rappelle ici pour mémoire le titre de l’ouvrage majeur d’Olivier de Serre : « Théâtre d’Agriculture et Mesnage des Champs ». Cela n’est pas guerrier. Cela n’est pas héroïque. C’est beaucoup mieux. C’est peut-être tout simplement « ailleurs » : là où avoir du caractère ce n’est pas forcément rouler de la mécanique mais savoir entendre et faire entendre la voix de la discrétion.

« Que l’effacement soit ma façon de resplendir (Philippe Jaccottet).

Ce billet, pour être bien compris, doit être relié notamment à Chassiers, village de caractère et à Construction de Saint-Hilaire (et chapitres suivants)
peut-être même avec pour le petit château de la Motte

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Un nouveau quartier pour Chassiers.

Deux billets ont déjà évoqué cette question voir ici et aussi .

La Municipalité continue à réfléchir à l’utilisation de la réserve foncière qu’elle a pu acheter. Au cours d’une réunion de commission extra-municipale, tenue le 11 février, il m’a semblé qu’on s’oriente vers l’ouverture d’un nouveau quartier résidentiel et qu’en serait exclu le projet de salle polyvalente, un moment envisagé. Sur ce point, le Maire a déclaré ne pas renoncer mais envisager d’installer cette salle « à un autre endroit ».

Pradels

La réflexion en cours s’oriente vers un découpage de la zone en deux sous-zones :

une zone (à droite de la route quand on vient du cimetière pour aller sur les Combes) dont les parcelles seraient vendues en quatre lots à des particuliers ; elle correspond à la partie haute de la zone, actuellement occupée par des terrasses en bon état, et surmontée par le quartier de la Combe du Bosquet.

à gauche de la route et en contre-bas, la partie la plus étendue (un peu moins de 15.000 mètres carrés contre un peu plus de 3.000 pour le haut) serait principalement consacrée à la construction de logements locatifs, destinés, les uns, à des personnes âgées mais indépendantes et ne souhaitant pas aller en maison de retraite, les autres, à des personnes dont les revenus correspondent à des loyers modérés, conventionnés et aidés. Pour permettre une vie de quartier plus conviviale, on adjoindrait à ces logements (individuels) un bâtiment d’environ 150 mètres carrés d’usage collectif.
Dans sa partie la plus basse, cette zone comporterait une place pour l’évacuation des eaux pluviales (lagunage) qui pourrait servir aussi de parking.

Une fois sur le terrain, on peut se rendre compte que la zone devrait offrir au futur quartier de bonnes conditions : le site est protégé du nord-est par la colline à laquelle il s’adosse et il est largement ouvert sur l’ouest et le sud ; il est à une petite dizaine de minutes du village à marche lente et il offre aux promeneurs des chemins et des sentiers sur lesquels les véhicules motorisés ne devraient pas être trop présents.

Seulement, les avantages de sa situation en font aussi la fragilité. En effet, ce nouveau quartier est certes « largement ouvert sur l’ouest et le sud », oui, mais cette ouverture fait qu’il est grandement visible à partir de la crête allant de Montréal à Tauriers et au-delà, à moins que ne soit protégé (et de façon impérative et durable) l’écrin de hauts arbres qui le masque pour l’instant. Certes, il s’agit de pins sylvestres tout à fait banals, mais ils sont efficaces pour arrêter le regard (n’oublions jamais qu’à notre échelle, la lumière se déplace en ligne droite !) et ils s’inscrivent agréablement dans le paysage.

Pour cette raison, mais aussi pour épargner aux futurs résidents et aux visiteurs des tas hétéroclites de bâtisses neuves construites sans coordination de hauteurs et de coloris, il me semble qu’il conviendrait de profiter de l’actuelle révision du P.L.U pour imposer un règlement précis.


Avant de proposer des éléments de réflexion, je voudrais rappeler ce qu’est un PLU et son règlement, en renvoyant à ce billet déjà un peu ancien , notamment pour le paragraphe où sont distingués le PADD (Projet d’Aménagement pour le Développement Durable, non opposable) et le Règlement qui en est déduit. Si la Municipalité veut vraiment que son nouveau quartier ait une chance de s’inscrire harmonieusement dans un paysage qui contribue grandement à ce que Chassiers soit un « Village de caractère », il lui faut se doter de moyens efficaces. Elle ne peut pas se satisfaire d’un PADD, aussi explicite soit-il, elle doit aller au-delà vers l’établissement, quartier par quartier, d’un règlement traduisant les intentions du PADD en contraintes opposables à toute construction neuve ou à toute modification de construction existante. Sinon, on se résout à ajouter un parpaing chassiérois à l’édifice déjà lourd de « La France Moche », en plein développement non-durable.

S’agissant d’un quartier neuf, et en plus en crête, je crois que l’essentiel des mesures à prendre doit viser à le rendre le plus discret, le moins visible possible. J’ai déjà évoqué la nécessité de protéger les écrans arborés, mais il me semble que cette précaution doit être renforcée en imposant des hauteurs maximales assez faibles pour qu’on obtienne des maisons d’un seul niveau, surtout dans la partie la plus en pente et la plus élevée. Par ailleurs, et toujours en visant la discrétion, un nuancier de crépis pourrait être demandé de façon que l’ensemble s’intègre dans les teintes et les valeurs du paysage, ce qui implique qu’on ne se contente pas, comme dans l’ancien POS, de parler en pourcentage.

Ces contraintes, liées à l’impact du quartier sur l’extérieur, pourraient sans doute être rendues plus acceptables par les résidents si elles s’accompagnaient d’exigences visant à rendre plus facile la vie du quartier : plantations de bouquets d’arbres non-résineux et pas forcément d’ornement ; installation et entretien d’un lacis de sentiers adaptés à des personnes à mobilité difficile.

Reste une hypothèque à lever et ce sera difficile ! En effet, la Municipalité a le souci – légitime, à première vue – que, financièrement, l’opération soit une opération « blanche » : il faudrait pouvoir récupérer au moins une partie importante des dépenses collectives engagées pour l’achat des terrains et surtout pour celles qui seront engagées pour mener à bien les équipements collectifs indispensables. D’après ce qui a été évoquée à la dernière réunion (depuis laquelle le Conseil Municipal a pu faire des choix que je ne connais pas), la Municipalité envisageait à ce moment de vendre le plus possible de terrains à des particuliers et de calculer le prix en fonction des engagements prévisibles de dépenses. Ce principe pourrait pousser la Municipalité à ne pas se contenter des quatre lots de la zone haute, mais à y ajouter la vente de lots dans la zone basse : il a été question de sept habitations individuelles dans cette partie. Certes les prévisions devront être affinées, tout le monde est conscient de cela, mais on en est actuellement à 4+10+10+7 maisons individuelles, ce qui est beaucoup trop pour les futurs équilibres du quartier. Comment envisager de pouvoir construire une trentaine de maisons basses sur moins de 15.000 mètres carrés sans créer immédiatement un de ces quartiers suburbains sans caractère qu’on trouve en général à la périphérie des agglomérations?

Les hypothèses de travail actuellement retenues pour la zone basse sont de 7 maisons individuelles avec 700 mètres carrés pour chaque lot, de 10 logements sociaux individuels posés sur des lots de moins de 300 mètres carrés chacun et de 10 logements pour personnes âgées sur des lots de 100 mètres carrés. Il me semble que les surfaces des parcelles sont parlantes : ce serait l’entassement. Il faudrait se fixer des objectifs plus modestes et plus raisonnables : cinq logements sociaux, cinq à huit logements locatifs pour personnes âgées indépendantes et peut-être deux ou trois pavillons du type de ceux prévus en zone haute permettraient quand même à une vingtaine de ménages de s’installer dans le nouveau quartier. Il est bien possible qu’en limitant ainsi la partie pavillonnaire du bas, on s’interdise d’équilibrer dépenses et recettes d’investissement, mais le déficit probable et l’emprunt supplémentaire dont il s’accompagnerait nécessairement paraissent acceptables si on les rapporte aux avantages à espérer.

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Quelques précisions sur le cheminement à travers le village de Chassiers, comme « Village de Caractère »

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Ce grand chêne des Tailhands de la Davalade, je ne l’ai jamais que frôlé du regard (tout en conduisant!) mais l’écriture l’inscrit dans un imaginaire que j’ai envie de laisser aller. Qu’il n’y ait pas d’images dans ce billet ne devrait pas surprendre qui lit ce texte.

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Le ciel de la Rouvière : comment peut-on être à ce point et à la fois évident et énigmatique ?

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Récit, quelque peu exalté (mais il y avait de quoi !) d’une soirée théatrale donnée par le Festival de Labeaume sur la place en haut du village.

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Copié/collé d’un commentaire laissé sur le cahier ad hoc mis à la disposition du public, à la Mairie de Chassiers, à propos du projet de réserve foncière.

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Sur une réunion, tenue en avril 2009, par le Maire de Chassiers, à propos de la révision du Plan Local d’Urbanisme.

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La bibliothèque de Chassiers vient de déménager. C’est l’occasion de la présenter et d’en présenter une version de l’histoire.

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Le Comité consultatif (nouveau nom de la Commission extramunicipale) s’est réuni le 10 mars pour examiner le projet de Budget communal pour l’exercice 2009. Cet examen est purement consultatif puisque la décision appartient au Conseil Municipal, mais il a son importance du fait de la présence du Maire, de trois Adjoints et de quatre autres Conseillers municipaux. Le Budget adopté définitivement sera sans doute un peu différent mais uniquement sur des points de détail.

Pour en comprendre les grandes lignes, il faut se référer au « Compte Administratif » de l’exercice 2008. C.A que j’ai commenté dans le précédent billet de cette série ICI

La situation financière de la Commune est saine : impôts communaux dans la moyenne des communes du même type ; endettement plutôt faible et en cours d’extinction avancé ; excédents accumulés importants ; pas de problèmes de trésorerie… L’occasion rêvée pour se lancer dans des équipements importants ! Le projet de Budget prévoit donc environ 720.000 euros pour les opérations d’équipement contre respectivement 143.000 et 105.000 en 2007 et 2008

Ces 720.000 euros se répartissent de la manière suivante : 160.000 euros seront affectés au paiement d’investissements antérieurs non encore achevés ou non encore réglés ; 560.000 euros seront consacrés à l’ouverture de dossiers ou de chantiers nouveaux.

Dans ces propositions nouvelles, deux projets se partagent la part du lion : l’aménagement de la place centrale du village (185.000 euros prévus) et la création d’une réserve foncière au Bosquet, création sur laquelle je vais revenir plus longuement.

Le reste correspond à des équipements très variés qui vont de la voirie (61.000 euros) à l’enfouissement des lignes téléphoniques au village (42.000 euros), en passant par la restauration de la chapelle de Joux (17.000 euros), des travaux au cimetière (24.000 euros), la restauration de deux statues, l’achat de divers mobiliers (logiciels et numérisation du cadastre, un rétroprojecteur, un micro, un ordinateur pour la bibliothèque) et surtout la réfection de la toiture du château de la Vernade (65.000 euros), la réhabilitation du bar-crêperie (28.000 euros), la restauration de la porte de l’église et de la toiture de la chapelle (24.000 euros).

Je vais insister maintenant sur « l’opération n°651″ (soit: « Réserve foncière opération du Bosquet) qui a donné lieu à deux débats fort feutrés, lors du vote du Compte Administratif et lors de la réunion du Comité Consultatif. Pourquoi ces débats ont-ils été feutrés ? Ce n’est pas à cause de l’aspect financier de la chose : une large majorité des élus pense qu’il est intéressant pour la Commune d’acheter des parcelles d’un seul tenant, classées en zones urbanisables mais non encore équipées, pour un prix modique et une superficie totale de près de 18.000 mètres carrés. Cette majorité d’élus (dont font partie les deux conseillers d’opposition) estime que le montage financier de l’opération sera facile sans qu’il soit indispensable d’augmenter les impôts communaux. Le projet de Budget prévoit d’ailleurs de financer l’affaire par une ponction sur les réserves et le recours à un emprunt modéré de 44.000 euros. Le problème n’est donc pas là !

En fait, il s’agit de préciser à quoi servira cette réserve foncière. Certes, ce pourrait être (c’est parfois apparu dans les conversations) une zone que la Commune met, en quelque sorte, de côté, pour usage ultérieur, très ultérieur et il est vrai que, dans le passé, le manque de terrains communaux s’est souvent cruellement fait sentir. Aurais-je mauvais esprit? J’ai l’impression que le Conseil municipal est très divisé sur l’usage qu’il conviendrait de faire de cette réserve foncière, mais que certains ont quand même leur idée là-dessus…

Et j’ajoute que j’ai ma petite idée sur l’idée que les uns et les autres se font de la « réserve foncière ». On pourra d’ailleurs compléter ce qui va suivre en se référant à ce billet . Je note d’abord qu’il semble y avoir une sorte de consensus pour reconnaître que la Commune manque d’une véritable salle polyvalente qui ne soit pas incluse dans un bâti trop serré : de ce point de vue, les parcelles de la « réserve foncière » ne sont pas mal situées, puisqu’elles ne sont pas dans le village chef-lieu mais un peu à l’écart, sans en être très éloignées.

Ce point ne devrait pas faire difficulté. En revanche, je ne suis pas sûr qu’il soit possible de concilier le point de vue de ceux qui verraient bien la Municipalité équiper les autres parcelles et les revendre à un prix relativement modiques pour aider « des jeunes » à s’installer, ceux qui verraient bien la Commune réaliser un bonus confortable sur l’opération et ceux qui verraient bien la Commune échanger les parcelles restantes contre, par exemple, l’installation par un office de HLM de trois ou quatre logements sociaux analogues à ceux de la Combe du Bosquet. On devine facilement à quelle solution va ma préférence!

Apparemment, le débat n’est pas prêt à être porté sur la place publique et pourtant il convient qu’il le soit. Une partie de la prospective communale en dépend et cela ne nécessite pas une révision du PLU, ce qui permettrait d’économiser 20.000 euros d’argent publique. Sur ce point, je renvoie à ce billet .

(modifié le 30 avril 2009) Une réunion publique tenue sur le PLU, le 29 avril, a apporté des précisions intéressantes sur le projet de révison du PLU : ces précisions contredisent nettement la conclusion du présent billet. Dont acte! et voir : Révision du PLU : une explication

(modifié le 5 juillet 2009) compléter cet article par la lecture de Encore, la réserve foncière et de Un nouveau quartier pour Chassiers

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J’ai entre les mains le projet de « Compte Administratif » de la commune de Chassiers pour l’année 2008. Rien de plus ennuyeux qu’un Compte Administratif (un C.A.) : d’ailleurs, les conseillers municipaux, qui font mine de l’examiner, en baillent d’avance. C’est en effet le bilan de « l’exercice » achevé, mais un bilan constitué de colonnes et de chiffres dont le Conseil n’a pas à examiner s’ils correspondent à une stratégie bien menée ou non mais seulement à vérifier qu’ils sont conformes aux titres et aux factures de l’année. Comme les conseillers savent que, dans le monde rural des petites communes, il n’y a certainement pas eu d’erreurs volontaires, à quoi cela servirait-il de contrôler a posteriori? Et d’ailleurs, un contrôle sérieux nécessiterait des heures et des heures de vérifications. Alors, on essaie de tenir le coup tandis que la secrétaire de mairie lit les pages de chiffres les unes après les autres… Et le C.A. est adopté à l’unanimité….

C’est vrai. Mais l’examen du C.A. pourrait être aussi l’occasion de le comparer aux Comptes administratifs des deux ou trois années précédentes, notamment pour apprécier mieux les investissements réalisés (ou qui restent à réaliser) puisque ceux-ci, à la différence du fonctionnement, ne tiennent pas compte des limites de l’exercice et s’étalent souvent sur plusieurs années. C’est aussi l’occasion d’apprécier le poids de la Dette communale dans les dépenses et de vérifier par exemple si la Commune dispose encore d’une marge de manœuvre. Bref : c’est (ou ce pourrait être) une bonne préparation pour le Budget Primitif de 2009 qui sera monté quelques semaines plus tard.

(modifié le 26 février 2009) La réunion de hier soir a été l’occasion pour le Maire d’expliquer à son Conseil ce qu’est un CA : outre l’information fournie, ses précisions ont permis d’atténuer le caractère soporifique de la chose !

Ayant le temps, et la malice, et l’habitude, de décortiquer ce genre de documents, j’en propose l’analyse suivante.

Je constate d’abord, sur le projet de délibération qui a été proposé pour la réunion du Conseil (tiré à part), que les réserves de la Commune sont passées durant l’exercice 2008 de 189.834,22 euros (« résultats reportés » en recettes de fonctionnement, en haut vers la gauche) à 203.016 euros (en bas et au milieu : « au compte 002 Excédent de fonctionnement reporté »). C’est plutôt bon signe, puisque le point de départ était déjà élevé (merci à l’équipe précédente!) : une augmentation supérieure à 8% conforte le confort des gestionnaires du budget.

Un bémol pourtant : il faut savoir ou rappeler que les réserves de la commune (si elles lui assurent notamment des facilités de trésorerie) ne peuvent pas être « placées », ce qui veut dire qu’elles subissent sans contre-partie véritable une érosion égale à celle de la hausse des prix, soit pratiquement 4.000 euros. 4.000 euros partis en fumée! Ce n’est pas négligeable et cela devrait inciter à ne pas chercher à accroître systématiquement cette réserve, à partir du moment où elle a atteint un palier de sécurité.

Cet accroissement de réserves n’a pas empêché un certain nombre d’investissements dont les détails apparaissent à partir de la page 16 : achats de divers mobiliers (des chaises, des ordinateurs pour l’école et le secrétariat, un isoloir), constitution d’une provision pour une révision du P.L.U, travaux de voirie (notamment pour l’éboulement des Tailhands de la Davalade), travaux à la salle des Fêtes (toiture/zinguerie et plafond), aménagements prévus au quartier des Peyrières (je souhaiterais avoir des précisions sur ce point), travaux pour l’école (un lave-vaisselle, un four, un « pince-doigt » pour la porte d’entrée, le traitement des vitres, réparation de la machine à laver), pour le quartier des Plantades (ici aussi, j’aimerais des précisions), pour la place du village autour de l’église, restauration de l’état-civil, aménagement du réseau France Télécom, installation internet haut-débit par système numéo au village, au jardin de la cure (précisions svp!), à la bibliothèque municipale (thermostat, revêtement de sols, mobilier). Au total, hors remboursement de la Dette, le montant des investissements énumérés atteint (si l’on ne tient pas compte des restes à réaliser de 2007, mais si on prend en compte les restes à réaliser pour 2009) environ 361.000 euros (j’arrondis!).

Ces investissements en équipement ont pu être réalisés sans recourir à de nouveaux emprunts, ce qui est positif, surtout en ce moment. L’annuité de la Dette communale s’est montée en 2008 à 103.000 euros, somme qui comprend d’une part les « frais financiers » c’est-à-dire le paiement des intérêts (comptabilisé dans la section de fonctionnement pour 32.612,73 euros), d’autre part les remboursements de capital (comptabilisés en section d’investissement pour 70.497,56 euros). La comparaison de ces deux sous-totaux souligne que, pour l’essentiel, la dette est relativement ancienne – donc, en cours d’extinction avancée – ce qui conforte l’impression de santé donnée par la situation financière de la Commune

Si on rapporte cette annuité (soit 103.000 euros) au total des recettes « réelles » de fonctionnement (soit 578.164,25 euros), on parvient à un « ratio » de 17,6%, confirmant ce qui vient d’être dit.

Mais alors, on doit se poser la question suivante : d’où provient donc l’argent qui permet l’équilibre facile d’un budget qui recourt de moins en moins à l’emprunt ? Dans certaines communes, une partie des recettes provient du rapport des biens de la commune quand ils sont loués : à Chassiers, ce n’est pas vraiment le cas, puisque la location des étages du château à ALV, même augmentée des versements pour la cantine ou la photocopieuse (chapitres 70 et 75), n’atteint pas 5% du total des recettes de fonctionnement.

Restent deux grandes sources de financement (en dehors de l’emprunt et de la ponction dans les réserves): d’une part, les contribuables, d’autre part les aides extérieures. Le recours au contribuable chassiérois apparaît dans le C.A à la page 5, au chapitre 73, pour un total de 246.524 euros et correspond à la part communale des impôts locaux : taxes foncières, taxe d’habitation et taxe professionnelle. On peut ajouter à cette somme les 26.055 euros rapportés par la taxe locale d’équipement sur les constructions neuves (qui apparaît en section investissement).

Même si, dans un certain nombre de cas, ce prélèvement communal peut créer des difficultés pour les familles, il faut reconnaître que, pour l’instant, Chassiers, comme la majorité des communes rurales, lève des contributions directes relativement acceptables. Conclusion provisoire qui doit néanmoins tenir compte des impôts locaux non communaux prélevés par la Région, le Département et la Communauté du Val de Ligne, obligés d’en demander toujours plus, du fait que l’Etat ( et les communes pour ce qui concerne le Val de Ligne !) se défausse de plus en plus sur les collectivités territoriales pour les charges.

En fait, le gros des ressources de la Commune provient quand même de l’extérieur. En section de fonctionnement, ce sont les « atténuations de charges » et les « dotations et participations » (total environ : 285.000 euros). En section d’investissement, ce sont les « subventions d’investissement » surtout départementales, l’aide au « Plan d’Aménagement d’ensemble » et le remboursement d’une partie de la TVA sur les investissements réalisés en 2006, soit un total d’environ 85.000 euros. En cumulant les deux sources extérieures, on obtient une entrée de 370.000 euros.

La page volante du C.A permet d’apercevoir que pour équilibrer réellement le budget réalisé en 2008, il faudra que le Conseil Municipal décide de prélever (comme le projet le lui suggère !) les sommes de 130.657 euros et de 8.670,97 euros sur les excédents cumulés des années antérieures,. C’est pourquoi, le projet propose au Conseil Municipal (qui acceptera sans aucun doute!) de ne conserver « que » 203.016 euros en réserves.

J’ignore si le Conseil municipal, lors de sa réunion du mercredi 25 février, se livrera à ce genre d’analyse, mais j’ai seulement voulu montrer qu’un C.A peut être plus parlant qu’on ne le croie généralement.

(modifié, le 26 février 2009) : L’ordre du jour de la séance ne comportait pas que l’examen du C.A Il y a notamment été question d’un projet intéressant – et sur lequel je reviendrai dans un prochain billet – pour constituer une « réserve foncière » de la Commune…

Pour ceux qui viendraient sur ce site à l’occasion de ce billet, il est possible d’en comprendre mieux le contexte personnel en se rendant

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Dans le dernier billet de cette série, j’ai dit m’inquiéter un peu de l’inscription d’une réserve de 20.000 euros dans le Budget de 2008 pour une révision éventuelle du Plan Local d’Urbanisme. Je voudrais revenir aujourd’hui sur cette réticence. Pour essayer d’en analyser les raisons et en particulier le réflexe qui, sous couvert de l’intérêt général, peut sembler refléter une sorte d’égoïsme de nanti : installé sur le terroir communal depuis une trentaine d’années, bénéficiant d’une pension d’enseignant non négligeable par les temps qui courent, fort réfractaire à toute notion d’enrichissement personnel qui irait au-delà de ma situation actuelle, je peux apparaître comme désireux de conserver avec avarice cet état de fait et hostile par conséquent à une refonte du PLU qui entraînerait la disparition de paysages auxquels je tiens.

contes et légendes de la Rouvière

Contes et légendes de la Rouvière

Il s’agit bien d’un certain égoïsme – qui se dresse d’ailleurs face à d’autres égoïsmes plus portés, eux, sur l’argent, voire sur le fric – et même d’un égoïsme de classe. Je compte le montrer et montrer en même temps que cette attitude n’en est pas disqualifiée pour autant. Comme beaucoup de Chassiérois (très certainement une majorité), mon revenu et les comportements qui en sont les corollaires me définissent comme appartenant à cette immense classe qu’on appelle souvent « la classe moyenne » ou même parfois « les classes moyennes » pour tenir compte de ce qu’elle(s) regroupe(nt) plus de la moitié de la population européenne (de l’ouest), peut-être même les deux tiers. Bien entendu, le tiroir est tellement large qu’il est possible d’y distinguer des compartiments, mais dans l’ensemble, les individus et les familles ce cette classe moyenne sont, comme je le suis, à l’abri du besoin et satisfaits du confort matériel dont ils bénéficient et convaincus par ailleurs de ne voler à personne leur sécurité relative. Il est évident qu’à l’intérieur de cette définition globale, il existe d’importantes variantes, d’autant qu’une autre caractéristique de cette classe (liée certainement à son confort et à son niveau plutôt élevé d’éducation culturelle) est justement l’individualisme. Tous différents! Tous uniques!

Ni aliénés par le surenrichissement comme le sont les personnes et les familles très riches (souvent confondues avec les pantins « people » qui les singent et les inspirent), ni laminés par la pauvreté ou la misère qui écrasent non seulement plusieurs milliards d’humains à travers la planète mais aussi une vingtaine de millions de résidents français, les classes moyennes se situent dans un « juste milieu » dont elles sont souvent les premières à vitupérer la médiocrité tout en percevant vaguement qu’il fait d’elles le pivot de la société. Leur pesée sur la société se manifeste en effet par des signes plutôt mièvres à côté des emportements héroïques dont rêvent ceux qui reconstruisent le passé avec des aristocraties flamboyantes idéologiquement drapées dans leur « honneur » ou qui ont tenté d’imaginer un avenir enchanté par les triomphes d’un prolétariat d’autant plus « pur et dur » qu’il est surexploité.

Non, ici, avec les classes moyennes, on est dans la cote mal taillée, l’approximation, le flou. Il me semble important de comprendre pourtant que cette mièvrerie suppose des qualités morales, intellectuelles et sans doute aussi physiques dont il est permis de se sentir fier, au moins de temps en temps. Car, idéologiquement, nous ne sommes plus ici dans le domaine simpliste des comportements linéaires, basés sur la logique du tiers-exclu (« c’est blanc ou c’est noir ») mais dans le domaine beaucoup plus complexe du tiers-inclus qui vous fait poser dans le même mouvement que c’est blanc et c’est noir, que ce n’est ni blanc ni noir, que c’est un peu blanc et un peu noir, que ça n’a pas tant d’importance que ce soit blanc ou noir… Penser et agir dans ce cadre est plutôt ardu et il est tentant d’échapper à la difficulté en se réfugiant dans des simplifications abusives ou des condamnations péremptoires.

Ces considérations ne sont pas aussi éloignées du PLU de Chassiers qu’elles peuvent le sembler car elles impliquent des comportements sociaux sur lesquels je voudrais maintenant insister. Les personnes et les familles des classes moyennes subissent, à des titres très divers et dont elles s’exagèrent sans doute la diversité, une pression qui les conduit souvent à rechercher un habitat individualisé, ce qui est moins facile dans un immeuble collectif (sauf quand il est de haut standing) que dans une maison individuelle, en agglomération que dans le monde rural. Être propriétaire de sa maison familiale dans un village ou un hameau point trop éloigné d’une agglomération, même de petite taille, avec l’aide de la voiture, du téléphone, de la télé, de l’ordinateur représente souvent un objectif que les classes moyennes rêvent d’atteindre avant l’âge de la retraite si possible. Et quand l’objectif est atteint, le réflexe pousse à souhaiter ne pas se retrouver au cœur d’un lotissement pavillonnaire et donc à vouloir restreindre les constructions autour.

On peut dénoncer cette attitude en la qualifiant d’égoïste et parler, en ce sens, d’égoïsme de classe. On peut aussi accepter de voir que le même égoïsme de classe conduit souvent à l’attitude inverse : tant pis si je démolis le cadre de vie, du moment que j’ai la possibilité de m’installer ou de vendre plus cher mon terrain.

On peut enfin se rendre compte que s’abriter derrière la nécessité de protéger le cadre de vie collectif est sans doute un prétexte, mais un bon prétexte. Un bon prétexte est un prétexte qui n’est pas seulement un prétexte ! Or, ici, il s’agit à mon avis, d’une attitude plus positive qu’il n’y paraît. En effet, le cadre de vie, que le Plan Local d’Urbanisme est censé garantir et que le refus de rendre celui-ci plus favorable à la construction veut protéger, correspond à un patrimoine qu’il semble utile de défendre, non pas tant parce que nous en héritons, non pas tant parce que nous en sommes responsables devant les générations futures mais parce qu’il propose – sur le mode non explicite de la suggestion – une alliance essentielle entre ce que nous appelons « la nature », « l’histoire » et « le présent ». Bien que l’apparente clarté de ces termes se floute dès qu’on y regarde d’un peu près, elle a un sens, cette clarté, et surtout le rapprochement de ces trois concepts permet d’entrevoir que le cadre de vie évoqué ne se laisse pas réduire à un bien-être superficiel : ce qui transparait ici, c’est la possibilité d’une humanité actuelle enracinée à la fois dans la géographie et dans l’histoire mais qui aurait gommé (ou essayé de gommer) ou assagi (ou essayé d’assagir) les violences que la géographie et l’histoire semblent véhiculer.

L’aura florentine du petit château de la Motte , les étagements de terrasses herbeuses dans le quartier du Ranc, les sept lignes de l’horizon du levant à la Rouvière, à la fois fermées et ouvertes – beaucoup d’habitants du terroir communal ont certainement comme moi d’autres exemples qui arrivent sur l’envers disloqué de leurs mots – invitent qui accepte de les percevoir à marcher d’un pas mesuré sur des sentiers qui seraient ébréchés par l’extension du PLU et des constructions. Espérer au moins ralentir une évolution que d’aucuns affirment inéluctable n’est donc pas seulement la preuve d’un égoïsme de classe. C’est aussi donner du sens (et un sens qui ne prend pas sa force dans la violence mais dans l’intense) à la vie simple.

Bien entendu, la tentation (et la menace) du repli sur soi est contenue dans cette attitude. Il faut en convenir et proposer des mesures d’ouverture. Que je pense évoquer dans un prochain billet.

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Dans un billet déjà un peu ancien ICI , j’évoquais avec réticence l’inscription dans le Budget communal de la nouvelle équipe municipale d’une somme de 20.000 euros destinée à financer une modification du PLU adopté par la précédente Municipalité peu avant le scrutin de mars 2008. J’y exprimais mon inquiétude quant aux raisons qui peuvent motiver une décision d’autant plus surprenante qu’elle n’était pas évoquée dans la profession de foi de l’équipe et qu’elle intervient quelques mois seulement après l’adoption du PLU initial. En clair, je redoutais que cette révision soit principalement destinée à satisfaire des appétits privés.

Depuis ce premier billet, quelques informations supplémentaires – de source, en principe, bien informée – permettent de donner quelque cohérence à l’éventuel projet. Il s’agirait, m’a-t-on dit, de modifier le PLU pour permettre à la Municipalité de constituer « une réserve foncière » destinée à faciliter le contrôle par la collectivité de constructions neuves dans des quartiers qui auraient été préalablement équipés par la Commune. L’idée de base serait donc d’acheter du terrain non constructible, de l’équiper en empruntant et de rembourser l’emprunt et ses intérêts par la revente du terrain, devenu constructible grâce à ses équipements. Cela se tient.

Il semble que sur cette base, il existe un accord au Conseil Municipal, même si le débat y reste ouvert. Car cet achat de terrains non constructibles, ne pouvant pas porter sur des parcelles dispersées, doit correspondre à une ou à des zone(s) à lotir dont l’emplacement doit s’inscrire dans un projet général d’évolution de la Commune. Reste aussi à définir au préalable comment sera calculé le prix de la revente : selon le prix du marché (comme on dit pour ne pas dire : le plus cher possible) ou selon le coût de l’équipement ? Cette deuxième hypothèse permettrait de proposer des terrains constructibles à prix bonifiés plus accessibles.

Si ce supplément d’information était avéré, il y aurait là de quoi calmer inquiétude et réticence et même éventuellement offrir à la Municipalité l’occasion de continuer l’œuvre commencée sous le mandat de Georges Stempert en utilisant une partie de la zone rendue constructible pour la confier à un Office de HLM, comme il est expliqué dans ce précédent billet

Une sorte de suite existe pour ce billet ICI

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Je terminai un précédent billet – qui commentait longuement l’inquiétude que j’avais manifestée devant la menace de voir le tout neuf PLU de Chassiers révisé à court terme dans le sens de plus de constructions – par cette remarque :

Espérer au moins ralentir une évolution que d’aucuns affirment inéluctable n’est donc pas seulement la preuve d’un égoïsme de classe. C’est aussi donner du sens (et un sens qui ne prend pas sa force dans la violence mais dans l’intense) à la vie simple. Bien entendu, la tentation (et la menace) du repli sur soi est contenue dans cette attitude. Il faut en convenir et proposer des mesures d’ouverture. Que je pense évoquer dans un prochain billet.

”Sachant que nous ne nous débarrasserons pas de cet égoïsme, comment éviter qu’il ne se traduise par une attitude frileuse débouchant par exemple sur des choix sécuritaires du genre de ceux qui président à la vie dans certains quartiers suburbains des USA et qui commencent à gagner des résidences en France ? Je voudrais ici souligner deux possibilités d’autant moins difficiles à installer sur Chassiers qu’elles y sont déjà présentes et, je crois, à la satisfaction générale.

Sur le modèle de ce qui a déjà été réalisé, entre 1995 et 2001, au quartier du Bosquet, il est possible d’envisager le développement modéré d’un habitat social, soit sous la forme d’un petit immeuble, soit comme au Bosquet d’un lotissement de quatre maisons individuelles. Il existe des organismes qui savent gérer la construction et le fonctionnement de cet habitat à loyers conventionnés. En 1995, la Municipalité avait négocié avec l’Office Départemental des HLM un accord qui prévoyait que la Commune donnerait pour le “franc symbolique” le terrain sur lequel a été installé le lotissement. Celui-ci a permis d’attirer des familles jeunes, susceptibles pour cette raison d’apporter des élèves à l’école. Une tranche par mandat me paraît, de ce point de vue, un objectif bien adapté et qui constituerait un signe clair de notre volonté d’ouverture.

Merci à Serre
Spontanément, les résidents de la Commune ont également su trouver déjà une forme de “tourisme doux” qu’il convient d’encourager. Prenons garde en effet que “le développement touristique” n’est pas forcément un gage d’ouverture à l’autre. Il peut même entrainer le contraire, quand une structure trop importante pour la Commune y vit en vase clos ( avec ses propres activités festives, par exemple, son épicerie intégrée et ses propres voies d’accès). Une commune rurale comme Chassiers a plus besoin d’un tourisme doux que d’un “tourisme de masse”, aussi argentés soient les atomes de cette masse. De ce point de vue, la présence dans beaucoup de résidences secondaires de familles qui y séjournent longuement en s’intégrant dans la population locale et en participant à ses activités constitue une véritable chance pour Chassiers, au même titre que les gîtes dont certains accueillent des hôtes qui reviennent régulièrement. Cette sorte de villégiature est beaucoup plus adaptée aux besoins et aux possibilités de la commune que les grandes unités. Elle contribue en douceur (« à la chassiéroise ») à nous ouvrir sur l’extérieur.

On le voit, je crois, sur ces deux exemples : les classes moyennes n’aiment pas la recherche de l’absolu (sauf peut-être en imagination) mais leur tempérance (qui agacent parfois ceux qui nous ou se traitent alors de “bourges”) n’est pas sans qualités, même si celles-ci ne sont pas spectaculairement héroïques.

Une suite possible se trouve dans ce billet ou dans celui-ci

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En attendant la suite du précédent billet sur Chassiers (elle ne saurait tarder), je vous propose un texte qui aurait pu figurer dans l’autre chemin du blog puisque il relève plus du conte que du récit historique. Il a été commencé, il y a quelques années, à l’occasion d’une soirée locale au cours de laquelle avait été organisé un Festival du Conte, le jour même de la Journée du Patrimoine, un 21 septembre.


Depuis la rédaction de certains passages, des changements ont eu lieu. J’ai pris le parti de ne pas les signaler et de conserver le texte intial, afin de ne pas rompre le rythme… si tant est qu’il y en ait un. Et comme le texte est particulièrement long, j’ai préféré le livrer en fichier .pdf auquel vous pouvez accéder par ce clic

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Quelque part vers le sud, mais pas trop… (3)


Chassiers appartient à la partie méridionale de l’avant-pays cévenol où semblent se conjuguer un relief pentu et des pluies méditerranéennes. Le fait est qu’au printemps et surtout en automne, il peut arriver que le ciel torde ses serpillières sur ces premières pentes de la « montagne sèche » et multiplie les ravines. La Commune a d’ailleurs obtenu raisonnablement son classement en « zone de montagne », bien que son point culminant (le Ranc Courbier, au sud-ouest de Joux) dépasse à peine les 600 mètres d’altitude. Les « épisodes cévenols » n’y sont pas rares, qui menacent les murets de pierres sèches, décaissent routes et chemins ou submergent la station d’épuration qui peut cesser d’être opérationnelle pendant de longues semaines après un gros orage.


Inversement, l’été donne parfois l’impression d’une certaine aridité, surtout depuis quelques années (2008 a été épargné !) et dans les endroits les plus venteux, quand les sources tarissent au moment où elles font le plus besoin. Les maisons les plus anciennes comportent encore une citerne bien utile en ces temps de réchauffement climatique.

Pourtant, j’ai envie de corriger cette « lecture » en insistant au contraire sur le caractère modéré de la présence méditerranéenne ici. Nous ne sommes pas ici sur le versant subtropical du monde méditerranéen mais sur son versant tempéré. Et, de mon point de vue au moins, c’est tout bénéfice! Chassiers ne connaît pas les affleurements calcaires qui dressent face au ciel intense des rochers plus blancs que gris et qui semblent annoncer le désert. Ils ne sont pas loin, sur les « Grads » du côté de la vallée de l’Ardèche, mais ils évoquent comme naturellement des impressions qui sont à mille lieues des « paysages » chassiérois. Et si je mets des guillemets, c’est pour signaler que j’emploie ce mot avec son sens pictural de construction esthétique volontaire et non avec son sens habituel de donnée plus ou moins brute.


Le « paysage » de Chassiers (un peu confus si on reste à la surface du relief) s’organise à partir d’une dorsale mamelonnée qui commence au village ou juste au dessus (à peu près 400 mètres) pour monter doucement et par vallonnements vers les Combes et Moncouquiol (environ 500 mètres) et dépasser nettement les 500 mètres autour du hameau de Joux. Cette dorsale joue le rôle de château d’eau d’où partent des « rieus » qui y prennent source avant de « davaler » vers la Lende (à l’est) et vers la Ligne (à l’ouest). Quelques sapinières récentes s’ajoutent aux pins d’Alep qui ont, malheureusement, ici aussi, chassé les châtaigneraies, jadis abondantes. La progression du chêne (vert ou blanc) renforce le caractère verdoyant de cette présence et donne de la douceur à l’ambiance.

Ce relief ne reflète pas clairement la structure du sous-sol : la nature des roches et leur disposition n’ont pas permis à l’érosion différentielle de souligner nettement la géologie du lieu. Le terroir de Chassiers appartient sur le plan géologique à la zone de contact entre le socle hercynien (par quoi Chassiers appartient bien au Massif Central) et sa couverture sédimentaire la plus ancienne. Le socle affleure de Chalabrèges au ruisseau de Chaumezelles (à la limite de Chazeaux) et présente surtout des gneiss et des micaschistes, avec quelques filons de leptynites, mais aussi, dans les gorges des Ranchisses, un petit massif granitique. Quant à la couverture sédimentaire, elle témoigne de la présence de lagunes ou de rivages peu profonds datant du permien (fin de l’ère primaire) ou du trias (début de l’ère secondaire) ce qui donne des argiles rouges ou des grès plus ou moins bien homogénéisés.

grès permien avec herbe
Grès permien avec herbes
En fait, les précisions précédentes sont moins là pour garantir le caractère scientifique de ce texte (qui n’y aspire aucunement) que pour aider le visiteur à rêver. Observez d’un peu près, en effet, ces grès grossièrement agglomérés, ces arkoses encore plus mal dégrossies, ces gneiss qui, se délitant si facilement, font jurer le maçon et pressentez la qualité de la lumière qu’ils emprisonnent à la fois et libèrent. Percevez dans les envies de mots qui vous viennent à l’esprit (et qui n’y arriveront sans doute pas) la présence que j’aurais tort de vouloir saisir dans des concepts auxquels elle échappe forcément et qui diraient ou voudraient dire qu’il s’agit de cette lumière impossible et que le poète Yves Bonnefoy appelle « la lumière profonde ». Contentez-vous de laisser les grumeaux du roc, les diaclases qui l’entrouvrent, les oxydes de fer et d’aluminium qui le font chanter dans les soleils rasant inviter le passant à sortir du temps et de l’espace pour s’ancrer ici et maintenant, sensible enfin à l’intense.
Le Songe d’un Habitant du Mogol

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Solitude où je trouve une douceur secrète,
Lieux que j’aimai toujours, ne pourrai-je jamais
Loin du monde et du bruit, goûter l’ombre et le frais?

La Fontaine

Le précédent billet s’est un peu attardé sur ce qu’on appelait jadis « les conditions naturelles » de Chassiers : climat, relief, nature du sous-sol. Mais il concluait – d’une manière qui peut sembler bizarre pour un exposé de géomorphologie – sur une invitation à délaisser la géographie pour la philosophie, voire, la poésie… Ce n’est pas un dérapage ! Je crois, au contraire, que je suis là au coeur de ce que je souhaite pour cet aiguillage du blog.

Oui, il n’est pas mauvais, par exemple, de constater que le terroir de Chassiers peut être lu comme un « pays » où se trouvent réunies, un peu par le hasard, un peu par la similitude des choix de vie, des familles dont les individus sentent plus ou moins vaguement qu’ils sont orientés par l’environnement local vers un genre de vie calme, lente, conviviale, n’excluant pas l’usage des moyens de communication les plus contemporains pour demeurer en contact avec les goûts plus bruyants, plus rapides, plus grégaires de la grande ville. Une sorte de commentaire ou d’illustration de ce que les sociologues nomment « le mode de vie rurbain », condensant dans ce néologisme une double aspiration (rurale, urbaine) qui a aussi le mérite de rapprocher population traditionnelle et nouveaux venus, retraités et adultes jeunes ou enfants et même des marginaux qui peuvent se sentir ici plus en sécurité qu’en ville.

Sous ses aspects géographiques ou historiques (j’y reviendrai souvent, j’en suis sûr), je veux croire que le patrimoine au milieu duquel les Chassiérois d’aujourd’hui restent ou s’installent invite les résidents à la sérénité plus qu’à la véhémence, au silence plus qu’au bruit, à la lenteur plus qu’au stress de la hâte, à la qualité plus qu’à la quantité. Bien entendu, il arrive parfois et trop souvent que les détresses de la vie courante contrarient cette quiétude et fassent qu’on en arrive à s’irriter contre, mais comment ne pas être sensible à la modération de la version locale du climat méditerranéen, à la douceur du tracé des « serres » qui constituent la dorsale de notre terroir, à l’élégance spontanée avec laquelle les « faïsses » et leurs murets de pierres sèches jouent avec les courbes de niveau ? Ici, on peut croire respirer enfin : à mille lieues de l’autoroute, des agglomérations, des entassements touristiques ou, inversement, de l’écrasante sauvagerie de la montagne haute.

Salut, la Négrote!
Chat(te) de Chassiers

Pour l’instant, je voudrais amener l’éventuel visiteur de ce blog à comprendre que la « description » ne se donne pas pour objective, qu’elle assume, au contraire, son côté subjectif, ce qui la conduit en aval à émettre des souhaits ou des inquiétudes sur le devenir de la gestion communale (donc à faire de la politique municipale) et en amont à explorer les possibilités philosophiques et poétiques que la présence de ce terroir si bien tempéré offre. Donc : en aval, une sorte de bulletin municipal-bis et en amont, « la gamberge »! J’espère que personne – à commencer par moi-même – n’y perdra son latin…

Et maintenant, en aval!

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La précédente municipalité s’était cru obligée de remplacer le Plan d’Occupation des Sols, déjà maintes fois remanié depuis sa création en 1988, par un Plan Local d’Urbanisme. Il est vrai que la loi dite « SRU » (Schéma de Rénovation Urbaine, je crois), votée par un Parlement de Gauche pour permettre aux collectivités locales de mieux contrôler l’urbanisation autour des agglomérations, incite vivement les municipalités à se doter de cet outil. Soit. Sauf erreur de ma part, la Municipalité Moretto a donc adopté en 2007 un Plan Local d’Urbanisme (un PLU) dont apparemment la principale nouveauté par rapport à l’ancien POS consiste à permettre une certaine expansion du camping des « Ranchisses ».

Un débat – assez véhément – semble avoir accompagné l’enquête publique qui fut ouverte à ce moment, mais, curieusement, la liste qui devait l’emporter au détriment de la liste sortante présentait, côte à côte, le propriétaire du camping et le président de l’association qui s’était créée pour protester contre l’expansion de ce camping.  Le corps électoral devait d’ailleurs trancher en acceptant de se porter majoritairement sur cette liste mais en en excluant le propriétaire du camping. Pourtant, les commentaires sur ce scrutin semble avoir attaché plus d’importance à la défaite de la municipalité sortante qu’à l’échec de ce professionnel du tourisme. Il faut dire qu’aucune des listes en présence n’avait abordé, dans sa profession de foi, la question du PLU.


Or, quelques semaines après son succès, la nouvelle municipalité avait à voter le budget primitif pour l’année 2008. Chacun comprend bien que le degré de liberté d’une nouvelle équipe est très limité et qu’il est normal que celle-ci mette ses pas dans ceux de ses prédécesseurs et il n’est pas du tout de mon propos de le lui reprocher. En revanche, j’aurai tendance à m’étonner que le Budget adopté prévoie 20.000 euros (somme dont on conviendra qu’elle est rondelette) pour une révision du PLU semblant sortir du chapeau comme par enchantement.


Plus encore qu’un Plan d’Occupation des Sols (puisqu’il est articulé,lui, avec d’autres PLU sur un Schéma général) un Plan Local d’Urbanisme est destiné à orienter le moyen et le long terme et non à fluctuer de court terme en court terme. Décidé en 2007, après consultation de la population, le PLU avait logiquement une espérance de vie d’au moins une mandature. Que s’est-il donc passé pour qu’on envisage si vite d’abréger sa durée? Je n’en sais rien mais ces 20.000 euros m’offrent l’occasion d’exprimer ici ma réticence quant à une certaine manière d’envisager l’avenir proche de la commune.


Je note d’abord qu’aucune des listes en présence en mars 2008 n’a donné d’indications sur la manière dont elle envisageait cet avenir : il nous a été présenté soit des précisions sur des points de détail soit de très vagues intentions interchangeables et qui n’engagent à rien. Certes, cette absence de vision est très répandue (au point qu’elle est parfois considérée comme la clé du succès électoral) mais elle a l’inconvénient, majeur à mes yeux,  de contraindre (ou d’autoriser) les élus à gérer la Commune tantôt de façon myope au gré des pressions au jour le jour des proches ou des familiers, tantôt -pour s’élever un peu au dessus du quotidien – de façon autoritaire, en s’abritant derrière les réglements nationaux ou européens et en transformant la Mairie en annexe de la Sous-Préfecture.


Je note aussi que sous le dernier mandat de Paul Lemblé et sous le mandat de Georges Stempert, un effort partiellement réussi avait été accompli pour proposer à la population une sorte de projet de vie collective qui était certes plus une intention qu’une réalité, mais du moins l’intention existait-elle ouvertement et se traduisait-elle par des réalisations concrètes appréciées : pas seulement la construction d’une école neuve et ses agrandissements mais aussi l’aménagement des espaces publics, pas seulement des réalisations matérielles mais aussi la participation des élus à la vie associative… Chassiers avait ainsi acquis par rapport aux communes environnantes une réputation enviable, peut-être même un peu surfaite!


De quelle intention s’agissait-il ? Je l’ai précisé dans le précédent billet : « Il était proposé aux Chassiérois de se représenter leur commune comme un « pays » où se trouvent réunies, un peu par le hasard, un peu par la similitude des choix de vie, des familles dont les individus sentent plus ou moins vaguement qu’ils sont orientés par l’environnement vers un genre de vie calme, lent, convivial n’excluant pas l’usage des moyens de communication les plus contemporains pour demeurer en contact avec les goûts plus bruyants, plus rapides, plus grégaires de « la ville » mais en gardant en permanence la possibilité rassurante de revenir au bercail. Une sorte de commentaire ou d’illustration de ce que les sociologues appellent « le mode de vie rurbain », condensant dans ce néologisme une double aspiration qui a aussi le mérite de rapprocher population traditionnelle et nouveaux venus, retraités et adultes plus jeunes ou enfants et même des marginaux qui peuvent se sentir plus en sécurité ici qu’en ville. »


Je répète qu’il s’agit plutôt d’une intention, c’est-à-dire d’une orientation non impérative et qui n’est pas toujours suivie d’effets, mais qui propose aux Chassiérois une manière possible de se gérer et de gérer leur cadre de vie. Au sens strict, c’est une « profession de foi »… qui peut sembler vide et qui le reste effectivement tant qu’elle ne se traduit pas par des décisions précises prises par les élus et reliées par eux et par leurs « administrés » à cette profession de foi. En fait, on le voit, il s’agit d’une grille de lecture permettant à tous ceux qui le désirent (et sans obligation de leur part si ce ne sont pas des élus) de comprendre les décisions concrètes en les intégrant dans un projet.


On le comprend peut-être mieux maintenant : les 20.000 euros mis de côté par le Budget Primitif de 2008 pour réviser le PLU me paraissent peu compatibles avec cette intention. Je trouve qu’il eût été préférable d’entendre le nouveau Maire de Chassiers préciser que, vu le caractère récent du PLU dont il a hérité, ces 20.000 euros doivent être considérés comme une réserve à laquelle on ne touche pas durant la durée de son mandat.

Vous pouvez trouver ici un début de commentaire de ce billet

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Les premières indications contenues dans Quelque part vers le sud(1) se sont efforcées d’être plus subjectives qu’objectives. Un des refrains de ce blog sera sans doute, en effet, qu’il s’agit de représentation et non de réalité : ce qui est écrit ici (et ailleurs) n’est pas la réalité de Chassiers (si elle est, personne ne peut la connaître) mais une représentation possible de ce morceau d’espace. La lecture proposée des conditions géographiques de la commune est seulement destinée à faire comprendre comment je me représente Chassiers et ses habitants et à essayer de faire partager ce point de vue.

Je vais quand même tenter d’introduire une illustration dans ce blog plutôt austère ! Voici donc un schéma très simplifié et à main levée du relief de Chassiers.schéma du relief de Chassiers [cliquez sur l'image pour l'agrandir]

Deux vallées assez évasées correspondent aux rivières de Ligne (affluent de l’Ardèche) et de Lende (affluent de la Ligne avec laquelle elle conflue un peu en aval de Largentière) et sont dominées sans abrupt (sauf aux approches de Largentière) par un moutonnement de serres qui culminent au nord près de Joux (le Ranc Courbier, 608 mètres d’altitude) et perdent de l’altitude en allant vers le village chef-lieu.
Pont de Lande
Le petit pont sur la Lende


croix de coudert
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Coordonnées

Un peu sur le relief

Un peu sur le climat

Rêverie autour d’un petit château

Coordonnées

Prenez une mappemonde, bien sphérique. Repérez dessus, un peu à droite du méridien de Greenwich, le méridien 4° E Repérez maintenant, pratiquement à mi-chemin entre le Pôle Nord et l’Èquateur, le parallèle 44°N. Observez l’endroit où ces deux lignes (imaginaires, comme il se doit) se coupent. Vous y êtes? D’accord! Vous n’y êtes pas vraiment (mais y est-on jamais vraiment?). Alors, à partir de ce point, déplacez-vous d’un tout petit peu vers le nord et d’un petit peu encore plus petit vers l’est : cette fois, vous y êtes.

Sauf que le point mathématique au croisement du méridien et du parallèle prend de l’épaisseur et s’étale sur une douzaine de kilomètres moins carrés qu’on ne s’y attendrait.Chassiers, en effet, ne se réduit pas à son village chef-lieu : c’est un territoire dont le finage (le périmètre, si on veut) englobe aussi deux douzaines d’écarts, parfois assez éloignés du « centre ». Les deux tiers de ses résidents habitent d’ailleurs dans ces écarts et ne manquent pas parfois de se plaindre que la Mairie se consacre trop au « village ». En 1939, par exemple, on eût pu croire que le principal souci des chefs de famille des hameaux de Joux, la Rouvière, Moncouquiol ou Luthe était de savoir si la commune de Chassiers accepterait qu’ils soient rattachés à la commune de Rocher ! En fait, qui veut contribuer à orienter la vie collective des habitants de la commune rencontre nécessairement cette question et doit proposer des solutions, non pas pour qu’elle ne se pose plus mais pour éviter qu’elle dégénère.

croquis

Un peu sur le relief

Cela dit, l’environnement géographique incite plus à la sérénité qu’à la colère. Latitude et longitude définissent un espace cévenol situé aux confins des derniers contreforts sud-sud-est du Massif Central, pas du tout montagnards, à peine montagneux, malgré l’importance des dénivelés : en trois kilomètres de vol d’oiseau, on passe de 195 mètres d’altitude à 608 mètres. Déjà, les voyageurs du dix-huitième siècle insistaient sur ce qu’ils appelaient le caractère « riant » de ce terroir pour l’opposer aux « pays affreux » des Alpes et du Plateau Ardéchois. Et c’est vrai que les « serres » de la dorsale centrale qui organise le relief de la commune donnent un moutonnement de collines douces à partir desquelles et vers lesquelles le regard peut à la fois s’élargir et se poser sans être continuellement arrêté par des abrupts ni se perdre dans le vide des lointains.

Un peu sur le climat

Certes, ces « amphithéatres » (comme les nomme le Cahier de Doléances rédigé en 1789 pour les chefs de famille de la communauté) sont encore aujourd’hui « excoriés » par les pluies méditerranéennes, surtout en automne, qui arrachent les murets de pierres sèches et peuvent submerger la station d’épuration, mais, ici, le climat méditerranéen est en général adouci à la fois par la latitude (un peu plus au nord, l’olivier disparaît) et par l’altitude : l’olivier et la vigne voisinent avec le châtaignier, le pommier, le pêcher, le cerisier, le frêne. Plutôt qu’aux touffeurs qui pèsent souvent sur les garrigues languedociennes ou les maquis provençaux, j’aime à comparer l’aspect aérien du climat local à ce que je m’imagine de la Toscane : de la lumière, oui, de la lumière partout, certes, et fort solaire, mais qui cherche à se faire pardonner son outrance en dispersant ses atomes comme autant de gouttelettes. Un bassinage lumineux…

Rêverie autour d’un petit château

la motte chalendar

En dehors de la Rouvière, c’est aux alentours du petit château de la Motte que je crois ressentir le mieux cette atmosphère aérienne dans laquelle les oxydes des grès les plus gris inventent – sans y insister – des orangés, des roses et des roux surtout aux heures et aux saisons où les ombres s’allongent. L’intelligence et la bonté y sont si présentes qu’on imagine ici le souvenir de ce Guillaume de la Motte qui, vers 1572, quand les guerres civiles religieuses offraient à n’importe qui les prétextes les plus violents pour régler ses comptes personnels (son château avait été incendié en 1568), se serait arrangé avec son ami calviniste, Olivier de Serre, pour éviter que les massacres de la Saint-Barthélemy n’aggravent dans le pays une situation déjà fort douloureuse.

Pour en savoir plus vous pouvez aller ici

Bien entendu, il s’agit d’un Guillaume de la Motte imaginaire ( vit-on jamais des personnages historiques autrement qu’en imagination ?), mais il me semble qu’il est possible sans effort d’imaginer un bon « mesnager des champs » face à son « théâtre d’agriculture » devant cet édifice modeste qui évoque plus une « villégiature » florentine du dix-neuvième siècle qu’un château-fort, bien qu’il remonte, pour ses parties les plus anciennes, au début du seizième. En tout cas, passant un peu vite de l’imaginaire au symbolique, j’y verrais facilement l’allusion au terroir méditerranéen bien tempéré qui entoure le village de Chassiers…


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