J’ai entre les mains le projet de « Compte Administratif » de la commune de Chassiers pour l’année 2008. Rien de plus ennuyeux qu’un Compte Administratif (un C.A.) : d’ailleurs, les conseillers municipaux, qui font mine de l’examiner, en baillent d’avance. C’est en effet le bilan de « l’exercice » achevé, mais un bilan constitué de colonnes et de chiffres dont le Conseil n’a pas à examiner s’ils correspondent à une stratégie bien menée ou non mais seulement à vérifier qu’ils sont conformes aux titres et aux factures de l’année. Comme les conseillers savent que, dans le monde rural des petites communes, il n’y a certainement pas eu d’erreurs volontaires, à quoi cela servirait-il de contrôler a posteriori? Et d’ailleurs, un contrôle sérieux nécessiterait des heures et des heures de vérifications. Alors, on essaie de tenir le coup tandis que la secrétaire de mairie lit les pages de chiffres les unes après les autres… Et le C.A. est adopté à l’unanimité….

C’est vrai. Mais l’examen du C.A. pourrait être aussi l’occasion de le comparer aux Comptes administratifs des deux ou trois années précédentes, notamment pour apprécier mieux les investissements réalisés (ou qui restent à réaliser) puisque ceux-ci, à la différence du fonctionnement, ne tiennent pas compte des limites de l’exercice et s’étalent souvent sur plusieurs années. C’est aussi l’occasion d’apprécier le poids de la Dette communale dans les dépenses et de vérifier par exemple si la Commune dispose encore d’une marge de manœuvre. Bref : c’est (ou ce pourrait être) une bonne préparation pour le Budget Primitif de 2009 qui sera monté quelques semaines plus tard.

(modifié le 26 février 2009) La réunion de hier soir a été l’occasion pour le Maire d’expliquer à son Conseil ce qu’est un CA : outre l’information fournie, ses précisions ont permis d’atténuer le caractère soporifique de la chose !

Ayant le temps, et la malice, et l’habitude, de décortiquer ce genre de documents, j’en propose l’analyse suivante.

Je constate d’abord, sur le projet de délibération qui a été proposé pour la réunion du Conseil (tiré à part), que les réserves de la Commune sont passées durant l’exercice 2008 de 189.834,22 euros (« résultats reportés » en recettes de fonctionnement, en haut vers la gauche) à 203.016 euros (en bas et au milieu : « au compte 002 Excédent de fonctionnement reporté »). C’est plutôt bon signe, puisque le point de départ était déjà élevé (merci à l’équipe précédente!) : une augmentation supérieure à 8% conforte le confort des gestionnaires du budget.

Un bémol pourtant : il faut savoir ou rappeler que les réserves de la commune (si elles lui assurent notamment des facilités de trésorerie) ne peuvent pas être « placées », ce qui veut dire qu’elles subissent sans contre-partie véritable une érosion égale à celle de la hausse des prix, soit pratiquement 4.000 euros. 4.000 euros partis en fumée! Ce n’est pas négligeable et cela devrait inciter à ne pas chercher à accroître systématiquement cette réserve, à partir du moment où elle a atteint un palier de sécurité.

Cet accroissement de réserves n’a pas empêché un certain nombre d’investissements dont les détails apparaissent à partir de la page 16 : achats de divers mobiliers (des chaises, des ordinateurs pour l’école et le secrétariat, un isoloir), constitution d’une provision pour une révision du P.L.U, travaux de voirie (notamment pour l’éboulement des Tailhands de la Davalade), travaux à la salle des Fêtes (toiture/zinguerie et plafond), aménagements prévus au quartier des Peyrières (je souhaiterais avoir des précisions sur ce point), travaux pour l’école (un lave-vaisselle, un four, un « pince-doigt » pour la porte d’entrée, le traitement des vitres, réparation de la machine à laver), pour le quartier des Plantades (ici aussi, j’aimerais des précisions), pour la place du village autour de l’église, restauration de l’état-civil, aménagement du réseau France Télécom, installation internet haut-débit par système numéo au village, au jardin de la cure (précisions svp!), à la bibliothèque municipale (thermostat, revêtement de sols, mobilier). Au total, hors remboursement de la Dette, le montant des investissements énumérés atteint (si l’on ne tient pas compte des restes à réaliser de 2007, mais si on prend en compte les restes à réaliser pour 2009) environ 361.000 euros (j’arrondis!).

Ces investissements en équipement ont pu être réalisés sans recourir à de nouveaux emprunts, ce qui est positif, surtout en ce moment. L’annuité de la Dette communale s’est montée en 2008 à 103.000 euros, somme qui comprend d’une part les « frais financiers » c’est-à-dire le paiement des intérêts (comptabilisé dans la section de fonctionnement pour 32.612,73 euros), d’autre part les remboursements de capital (comptabilisés en section d’investissement pour 70.497,56 euros). La comparaison de ces deux sous-totaux souligne que, pour l’essentiel, la dette est relativement ancienne – donc, en cours d’extinction avancée – ce qui conforte l’impression de santé donnée par la situation financière de la Commune

Si on rapporte cette annuité (soit 103.000 euros) au total des recettes « réelles » de fonctionnement (soit 578.164,25 euros), on parvient à un « ratio » de 17,6%, confirmant ce qui vient d’être dit.

Mais alors, on doit se poser la question suivante : d’où provient donc l’argent qui permet l’équilibre facile d’un budget qui recourt de moins en moins à l’emprunt ? Dans certaines communes, une partie des recettes provient du rapport des biens de la commune quand ils sont loués : à Chassiers, ce n’est pas vraiment le cas, puisque la location des étages du château à ALV, même augmentée des versements pour la cantine ou la photocopieuse (chapitres 70 et 75), n’atteint pas 5% du total des recettes de fonctionnement.

Restent deux grandes sources de financement (en dehors de l’emprunt et de la ponction dans les réserves): d’une part, les contribuables, d’autre part les aides extérieures. Le recours au contribuable chassiérois apparaît dans le C.A à la page 5, au chapitre 73, pour un total de 246.524 euros et correspond à la part communale des impôts locaux : taxes foncières, taxe d’habitation et taxe professionnelle. On peut ajouter à cette somme les 26.055 euros rapportés par la taxe locale d’équipement sur les constructions neuves (qui apparaît en section investissement).

Même si, dans un certain nombre de cas, ce prélèvement communal peut créer des difficultés pour les familles, il faut reconnaître que, pour l’instant, Chassiers, comme la majorité des communes rurales, lève des contributions directes relativement acceptables. Conclusion provisoire qui doit néanmoins tenir compte des impôts locaux non communaux prélevés par la Région, le Département et la Communauté du Val de Ligne, obligés d’en demander toujours plus, du fait que l’Etat ( et les communes pour ce qui concerne le Val de Ligne !) se défausse de plus en plus sur les collectivités territoriales pour les charges.

En fait, le gros des ressources de la Commune provient quand même de l’extérieur. En section de fonctionnement, ce sont les « atténuations de charges » et les « dotations et participations » (total environ : 285.000 euros). En section d’investissement, ce sont les « subventions d’investissement » surtout départementales, l’aide au « Plan d’Aménagement d’ensemble » et le remboursement d’une partie de la TVA sur les investissements réalisés en 2006, soit un total d’environ 85.000 euros. En cumulant les deux sources extérieures, on obtient une entrée de 370.000 euros.

La page volante du C.A permet d’apercevoir que pour équilibrer réellement le budget réalisé en 2008, il faudra que le Conseil Municipal décide de prélever (comme le projet le lui suggère !) les sommes de 130.657 euros et de 8.670,97 euros sur les excédents cumulés des années antérieures,. C’est pourquoi, le projet propose au Conseil Municipal (qui acceptera sans aucun doute!) de ne conserver « que » 203.016 euros en réserves.

J’ignore si le Conseil municipal, lors de sa réunion du mercredi 25 février, se livrera à ce genre d’analyse, mais j’ai seulement voulu montrer qu’un C.A peut être plus parlant qu’on ne le croie généralement.

(modifié, le 26 février 2009) : L’ordre du jour de la séance ne comportait pas que l’examen du C.A Il y a notamment été question d’un projet intéressant – et sur lequel je reviendrai dans un prochain billet – pour constituer une « réserve foncière » de la Commune…

Pour ceux qui viendraient sur ce site à l’occasion de ce billet, il est possible d’en comprendre mieux le contexte personnel en se rendant

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