Je présente ici un texte dont j’ai écrit (il y a de cela peut-être trois ou quatre ans) la première phrase sans savoir ce que serait la seconde mais en sachant que celle-ci serait « dans le droit fil » de celle-là. C’est un procédé – quelque peu machinique – que j’utilise assez souvent pour laisser à l’écriture prosaïque plus d’indépendance qu’à l’ordinaire, puisque ordinairement l’écrivant sait à peu près ce qu’il va demander à son écriture, l’obligeant ainsi à se plier à son intention et renforçant ainsi son caractère conceptuel. Ici, le dispositif permet (ou devrait permettre) à l’écriture d’inventer (de « créer »?) son propre enchevêtrement de significations et de garder ainsi un caractère poétique dont je regrette souvent qu’il soit noyé sous la prose.

Autrement dit, l’écrivant feint de s’effacer sous l’écrit ou plutôt feint de tenter de s’effacer. Car, d’expérience, je crois savoir que mon écriture est suffisamment bien dressée pour me livrer docilement – et comme spontanément – un récit qui me conforte dans les représentations que j’ai de moi-même ! Il est d’ailleurs fort probable que si ce n’était pas le cas (ou quand ce n’est pas le cas), je considèrerais le texte ainsi produit comme un brouillon pour la corbeille. Il s’agit donc d’un leurre.

Pas tout à fait cependant. Ou pas seulement. Quand le célèbre personnage de cinéma auquel le titre fait allusion lance sa jambe droite et  son chamberlain dans une certaine direction pour immédiatement ramener la seconde presque au niveau de la gauche et le premier vers l’arrière, avant de redémarrer l’une et l’autre selon un axe ou plusieurs axes légèrement décalés par rapport au premier, le spectateur ressent bien qu’il feint de ne pas savoir où aller mais qu’il y va quand même.

Avec l’extraordinaire conviction qui accompagne l’humour.

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