L’église de Chassiers : ogivale ou gothique?

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La partie précédente de ce chapitre a insisté (un peu lourdement, trouveront sans doute certains) sur l’arriération de la société médiévale et elle pourrait suggérer une humanité souffreteuse et maladroite, incapable de s’élever au dessus des préoccupations élémentaires de la survie. Et c’est vrai : la malnutrition, le goître exophtalmique, le rachitisme, la disparition précoce des dents, les affaissements qui en résultent pour le visage, les conjonctivtes, les fièvres, le danger … semblent réduire les “nichils” du chantier et beaucoup de Chassiérois à un état où alternent moments de torpeur et accès de délire. Voir le précédent billet et son fichier .pdf attaché .

Pourtant , l’œuvre est là, accomplie à la fois dans sa signification d’ensemble et dans beaucoup de ses détails. Du coup, plus de six siècles plus tard, on a du mal à croire que ce matériau humain a pu, se coltinant presque à mains nues avec les blocs de grès et les abrupts de la pente, édifier une forteresse qui est aussi une maison de prière.

Alors, on est tenté de tourner la difficulté : on suppose que la main d’œuvre n’a fait qu’obéir aux consignes des maîtres tailleurs de pierres, de Messire Jacques de Chalendar, voire des “marguilliers” de la paroisse. Soit. N’éliminons pas complètement cette éventualité : elle correspond bien à l’idée de “partie sayne et honneste de la population” (les clercs, les seigneurs, les maîtres artisans, les coqs de village…) s’organisant, sous la houlette conjuguée de l’autorité religieuse et du pouvoir royal, pour encadrer, canaliser, cadenasser la masse et lui faire accomplir bon gré mal gré des travaux qui utilisent sa dangerosité comme force motrice. Soit.

Mais je crois qu’il ne faut pas oublier qu’un autre cheminement intellectuel est possible, qui présuppose une continuité immanente entre le bloc de grès extrait, brut, des carrières chassiéroises et la clé de voûte au centre et au cœur de la croisée d’ogives, entre l’asphyxie silicosée du brassier et l’élégance épurée des voussures de la nef.

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En fait, je voudrais essayer de montrer que la synonymie entre “art gothique” et “art ogival”, ordinairement admise, s’applique difficilement à l’église Saint-Hilaire, incontestablement ogivale mais dont l’unité renvoie plus au “roman” qu’au gothique. La “démonstration” en sera tentée ici (attention! fichier de 4,1 Mo). Mais, le lecteur curieux et qui aura du temps se reportera aussi à ce fichier consacré à ma conception de l’art roman
Voir la suite ICI

(modifié, le 31 juillet 2009 :
Madame Monique Faltret (voir, cette page de son blog signale une parenté de style très frappante entre le dessin de la pierre énigmatique évoquée page 3 du fichier .pdf cons&cré à Saint-Hilaire de Chassiers et une image qu’elle a saisie sur la façade de l’église de Saint-Pierre de Rhèdes, à Lamalou-les-Bains. Or, cette église-ci est datée du douzième siècle… Cette parenté de style confirmerait donc l’hypothèse d’une église romane à Chassiers, plus ou moins reprise dans l’église ogivale qui lui aurait succédé. Merci à Monique Faltret pour cette précieuse indication…)

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