La Renaissance à Chassiers

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En 1561, la muraille construite trente ans plus tôt autour du village voir ici ne suffit pas à empêcher l’intrusion d’une troupe qui attaque, pille et vandalise l’église, la chapelle et même le cimetière qui entoure la chapelle. En 1568, une expédition du même genre semble encore plus grave, puisqu’elle se traduit non seulement par l’incendie du château de la Motte mais aussi par des violences meurtrières contre des habitants. Que se passe-t-il donc?

Ces deux années voient, à peu près partout dans le Royaume, des affrontements acharnés entre catholiques et protestants. Bien que le Roi Charles IX, encouragé dans cette voie par Catherine de Médicis, rêve d’une réconciliation (autour du pouvoir royal qui resterait catholique, mais modérément) et bien qu’il ait nommé Michel de l’Hôpital Chancellier de France, en espérant que celui-ci trouve une solution « politique » (c’est-à- dire un compromis), chaque initiative modérée provoque la réaction intransigeante d’une partie de ceux qui se sont proclamés défenseurs du catholicisme.

Regroupés autour de la famille princière des Guise (apparentée aux Valois), ces intransigeants encouragent partout les catholiques à s’armer sans attendre d’être attaqués par les « huguenots ». Toute concession aux protestants provoque des troubles qui incitent souvent les huguenots à prendre les devants et à attaquer les premiers.

En 1561, dans le Largentiérois, le calvinisme semble apparaître au grand jour : un synode local est créé à Largentière. À Chassiers, et bien que la documentation accessible ne soit pas très explicite sur ce point, il semble que les deux co-seigneurs du lieu, ayant choisi l’un et l’autre de rester catholiques, ne soient pas exactement sur la même interprétation : les Chalendar de la Motte, très près de la sénéchaussée royale de Villeneuve-de-Berg, se rattachent au camp des modérés, tandis que La Vernade paraît plus proche des intransigeants. En tout cas, Chassiers apparaît comme une place catholique d’où peuvent partir à tout moment des expéditions punitives dirigés contre « ceux de la religion prétendue réformée ».

Est-ce suffisant pour affirmer que toute la communauté chassiéroise est restée catholique ? C’est en tout cas l’interprétation que le récit chassiérois évoqué lors du premier chapitre de cette Histoire ( voir ici ) a soutenu sans trop de nuances. En fait, ce même récit signale lui-même qu’après l’incendie du château de la Motte, en 1568, son propriétaire, Guillaume de la Motte a adressé aux États du Vivarais une sorte de procès-verbal dans lequel il décrit l’attaque de son château tout en citant une quarantaine d’assaillants qu’il est capable de désigner de façon précise, avec leur sobriquet. Ce qui me semble impliquer une sorte d’intimité entre le plaignant et ses adversaires dont beaucoup paraissent avoir été des villageois.

Ne négligeons pas non plus la remarque du précédent billet sur le mandement de Chassiers : même s’il s’agit d’une circonscription administrative assez abstraite (surtout comparée à la communauté chassiéroise), le mandement englobe Tauriers où, très tôt, Genève a envoyé un pasteur calviniste dont la prédication a pu séduire quelques Chassiérois. L’individualisme de certaines professions intellectuelles très présentes à Chassiers (notaires, négociants et même prêtres) a pu également inciter un certain nombre de villageois à basculer, au moins momentanément, du côté réformé.

Mais, Chassiers dans son ensemble est resté catholique et est considéré comme une de ses places qui forment des îlots au milieu d’un territoire cévénol et pré-cévenol plutôt calviniste. Et, dans ces conditions, il est plus que probable que les Chassiérois se soient représentés à eux-mêmes comme assiégés en permanence par un adversaire entièrement étranger. Et surtout, il n’est pas étonnant que le récit chassiérois, né à la fin du dix-neuvième siècle dans un milieu politique et social qui se sentait alors lui-même assiégé par la République, la Franc-Maçonnerie, les Juifs et les Protestants, ait insisté et insisté sur la similitude des situations… quitte à pousser la similitude un peu loin.

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La gravité de cette violence vient du fait qu’elle est plus locale qu’organisée à l’échelle du Royaume. Charles IX puis Henri III ne s’en préoccupent que dans la mesure où certains Princes de leur entourage essaient de l’utiliser pour affaiblir le pouvoir royal et, éventuellement, le remplacer. Selon une procédure qui semble avoir été mise au point par Catherine de Médicis, le Roi réprouve tous ces excès, qu’ils viennent des catholiques ou des protestants, mais il laisse faire. Même en 1572, au moment des massacres de la Saint-Barthélemy, Charles IX est intervenu, volontairement trop tard semble-t-il, pour condamner du bout des lèvres les assassinats.

Seulement, laissée à elle-même, la violence locale prend des formes d’une sauvagerie qui devrait soulever le cœur. Quand le voisin (huguenot ou papiste) s’aperçoit que la voisine (papiste ou parpaillote) est possédée du démon, il s’autorise alors à laisser le cours libre à ses propres démons. Fous de rage, d’envie, de peur, de jalousie, de désirs, qui se croient fous de Dieu, et qui le sont peut-être, ils règlent des comptes enragés avec eux-mêmes en avilissant ce qui dans l’autre reste humain jusqu’au bout, le regard et la voix. Et, pour qu’il ne reste rien, et, pour que la purification soit absolue, on incendie le tout. Et, quand la tristesse revient avec le calme, le prêtre ou le seigneur de guerre (par ici, ce fut le « brave »Montréal, côté catholique, ou le « brave » Brison, côté calviniste), le pasteur ou le notable arrivent, l’absolution en bandoulière. Mieux encore que l’absolution : l’explication raisonnable (souvent réduite quand même à « Tuez-les tous! Dieu reconnaîtra les siens! ») permet de se remettre calmement à survivre… jusqu’au prochain accès. Et, bien sûr, certains en font commerce, que ce soit pour la gloriole, pour le pouvoir ou pour l’argent.

Entre Tauriers et Chassiers, les vallons qui séparent les hameaux de Pugnères et de Chalabrèges sont parcourus par un certain capitaine Chattus, se disant envoyé par le pasteur Vinay installé à Tauriers, et qui extorque aux habitants du lieu de quoi nourrir sa troupe qui les protègera des exactions de l’autre camp. Et il n’est pas question de discuter.

À Chassiers même, Vincent Rippé, négociant, se proclame « capitaine Largaud » et lance des expéditions vers Fons et Aubenas. Au cours d’une de ses razzias, il réussit à s’emparer de marchands d’Aubenas (Aubenas, la calviniste, momentanément) et à éliminer, au moins provisoirement, quelques concurents. Il les remet au seigneur de Montréal qui s’en servira comme monnaie d’échange pour faire libérer des prisonniers catholiques. En 1587, comme un fort parti adverse assiège le village de Saint-Pierre de Barres, il va au secours des assiégés et quand il y trouve la mort, il est célébré comme un héros. La Confrérie des Pénitents Bleus -que je présenterai plus loin – organise en son honneur des « vêpres de mort ». Il est vrai que ses activités marchandes et militaires n’avaient pas empêché Vincent Rippé d’être choisi, quelques mois auparavant, comme un des membres de la Confrérie.

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Le 26 février 1584, pendant le Carême, l’église de Chassiers est remplie. Presque tout le monde y est debout, sauf, dans le chœur et sur le devant, huit gentilhommes : pas de doute, Chassiers est bien dans le camp catholique. Il fait froid. Il fait sombre et les nouvelles ne sont pas bonnes. Des rumeurs de guerre – on y est habitué. Des rumeurs de peste. Des rumeurs de famine.

Les assistants se dispersent à la sortie mais les huit gentihommes restent ensemble. Sept d’entre eux sont apparentés aux Chalendar de la Motte ; le huitième est Louis de la Vernade qui invite les autres à monter avec lui vers son château tout proche. Ils le suivent. Il y a là « le sieur de Logères, baron de Balazuc, seigneur de Ribes, le Vilar, Rocles » ainsi que « le sieur de Malarces ». pourquoi se retrouvent-ils à Chassiers, au lieu d’être restés, par ce méchant temps, dans leurs villages respectifs, Joannas et Malarces ? Les Chalendar mâles sont en force, apparemment, puisqu’on en compte cinq, mais on notera l’absence du plus important d’entre eux, François, bailli du Roi, peut-être retenu par sa charge à Villeneuve-de-Berg.

Il ne fait pas chaud dans la demeure de Louis de la Vernade, même près de la grande cheminée de la tour, mais nos gentilhommes ne s’en préoccupent pas. Ce que Louis de la Vernade leur conte est autrement inquiétant. Il revient juste de Lyon, ville d’échanges commerciaux ou monétaires, mais aussi ville d’échanges d’idées, de nouvelles… et de coups. Il en rapporte une information consternante : le roi Henri III vient de perdre son frère. Comme ni le Roi ni le défunt n’ont de descendant mâle, l’héritier le plus direct de ce roi malade et menacé est maintenant Henri de Navarre, protecteur des huguenots et huguenot lui-même. Comme le carême semble amer !

Heureusement, Louis de la Vernade a aussi appris à Lyon qu’un peu partout à travers le Royaume, de bons catholiques s’associent pour faire barrage au parpaillot. Le prince Henri de Guise a lancé la Très Sainte Ligue, la parti des vrais catholiques, qui à Lyon a une succursale : la Confrérie des Pénitents Blancs.

Aussitôt suggérée, l’idée se met en place : on crée à Chassiers une Confrérie des Pénitents Bleus. L’évêque de Viviers et le bailli du Roi seront mis devant le fait accompli. Entre un roi tiède, de santé fragile et plus préoccupé de maintenir l’équilibre que de pourfendre le protestantisme et un Henri de Navarre, revenu au protestantisme après l’avoir plus ou moins abjuré, il faut soutenir Henri de Guise dont la famille peut avancer quelques droits à la succession royale.

En apparence, la Confrérie des Pénitents Bleus se présentera comme une banale association pieuse, chargée d’entretenir le bon état de la chapelle Saint-Benoît et d’enterrer ses membres selon les canons les plus catholiques. Elle sera dirigée par un « recteur » assisté de trois « officiers ». Le premier recteur sera justement le baron de Balazuc, alors présent. Louis de la Vernade, lui, continuera à guerroyer contre les hérétiques.

Il se trouve que Cyprien Payan (voir ce nom en utilisant le moteur de recherche ci-contre) a publié vers 1860 une « Origine de la Chapelle et Confrérie des Pénitents Bleus de Saint-Benoît de Chassiers en Vivarais », qui a été rééditée en 1983. Il s’agit presque uniquement des procès-verbaux recopiés par Cyprien Payan dans le registre de la Confrérie. Or, si la copie a été fidèle (hypothèse retenue), elle montre que la Confrérie a eu une activité très irrégulière, ce qui sur deux siècles (1584-1789) est bien compréhensible mais souligne que pour les premières cinquante années, nos Confrères avaient tendance à s’activer aux moments chauds des luttes religieuses. Un contraste net apparaît ainsi entre 1584/1591 et 1591/1611.

Durant la guerre dite « des trois Henri » (1585 à 1589) et jusqu’à ce que son vainqueur, Henri de Navarre, devenu Henri IV installe son pouvoir solidement, la Confrérie des Pénitents Bleus multiplie les comptes-rendus. À compter de 1591, la cause semble entendue, surtout après l’édit de tolérance de Nantes. Il n’est pas impossible non plus que l’amitié de certains Chalendar de la Motte (notamment François et surtout Guillaume) avec Olivier de Serre soit allée dans le sens de l’accalmie. Une accalmie interrompue par l’assassinat du Roi en 1610. Ce qui nous vaut un long compte-rendu sur l’année 1611 ! Mais dans l’ensemble, passées les premières années, la Confrérie des Pénitents Bleus redevint fidèle à ses statuts d’association de bienfaisance plus ou moins assoupie selon les moments. Il ne semble pas qu’elle ait jamais été dissoute !

En 1591, le dimanche 9 juin, jour de la Fête-Dieu, les Confrères furent avisés qu’il y avait lieu de s’attendre à ce que Jean de l’Hôtel, évêque de Viviers, vînt dans le Largentiérois « pour policer toutes choses ecclésiastiques ». On convint donc de l’inviter à venir dans la chapelle Saint-Benoît et on se prépara à l’accueillir le dimanche suivant, en grande pompe, en grande foule, en grande liesse. Las ! « le dit seigneur évêque étant inopinément arrivé plus tôt à Chassiers », dès le samedi 15 juin, et s’étant alors contenté d’un passage rapide à Saint-Benoît « où il ne fit qu’un quart d’heure de séjour », avant de redescendre à Largentière prendre ses quartiers, il fallut modifier le plan. En raccompagnant l’évêque, on lui remontra qu’il serait bon qu’il revînt le lendemain, dans « l’après-dîner », pour participer à une procession au cours de laquelle il pourrait rencontrer beaucoup plus de monde que ce jour. Comme à cette époque les gens n’avaient que leurs pieds pour voter ou montrer leurs choix, il était en effet de première importance de montrer que les catholiques du lieu étaient plus nombreux que les hérétiques ou ce qui en restait.

Les Confrères avaient su convaincre l’évêque et le lendemain, dans l’après-midi, celui-ci, accompagné des Pénitents Blancs de Largentière, remonta la Côte pour porter le Saint-Sacrement de Saint-Benoît à Saint-Hilaire, avec une station sur la Place. Après quoi et l’évêque étant redescendu avec les Pénitents Blancs, les Confrères se réunirent pour faire le bilan. Il semble que ce soit seulement au cours de cette réunion privée qu’on pensa à saisir l’occasion de la visite de l’évêque pour lui demander de bien vouloir (« pour le supplier ») monter la Côte une nouvelle fois afin de venir « réconcilier » les églises et le cimetière de Chassiers qui avaient été « profané(e)s depuis les guerres survenues en France par les hérétiques qu’on nommait pour lors huguenots ».

Une délégation repart alors vers l’évêque qui promet de revenir le 21 juin. Effectivement, à la fraîche, « à cinq heures du matin » (mais il s’agit alors de l’heure solaire), Jean de l’Hôtel, commençant par le cimetière « et son circuit » qui jouxte la chapelle, puis poursuivant par Saint-Benoît puis Saint-Hilaire, réconcilia à Chassiers tout ce qu’il y avait à réconcilier. Avec l’aide (signalée sans insistance par le procès-verbal de la Confrérie) « du Père Puinaud, Jésuite », venu d’Aubenas. La présence de ce Jésuite renforce l’impression laissée par la solennité des cérémonies, les volées de cloches, les cantiques, la somptuosité des vêtements, la conjonction avec le solstice d’été, qu’on se trouve ici dans un épisode de la Contre-Réforme telle que l’avait souhaitée le Concile de Trente pour faire pièce au Protestantisme.

Petit bémol amusant, mais en l’occurrence il s’agit plutôt d’un bécarre ! à la fin de la cérémonie de réconciliation, l’évêque aurait demandé aux Confrères de continuer dans cette voie en consacrant, un par un, tous les objets qui, d’une manière ou d’une autre, pouvaient servir à « l’Église de Dieu », notamment les cloches qui devaient être descendues (ajoutant en réponse au regard inquiet de la Confrérie « non toutefois le dit jour » !) afin d’être bénies « à la façon et coutume reçues par l’Église catholique, apostolique et romaine ». Et il fallut donc que, dans les jours qui suivirent la réconciliation, le recteur de la Confrérie s’occupât non seulement de faire descendre puis remonter les cloches mais aussi de constituer les marraines et parrains indispensables….

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Ce sourire ne doit pas faire oublier que Chassiers, comme toute la région, traverse une période difficile puisque les troubles religieux s’accompagnent souvent d’accès pesteux qui rappellent que le bacille, Yersina Pestis, demeure à l’état endémique dans la population. Et comme le climat européen est sans doute en train d’entamer un petit âge glaciaire, les froids de l’hiver deviennent plus rudes et les inondations de l’automne ou du printemps plus dangereuses. L’année 1586 restera ainsi dans le coin comme « l’année des trois fléaux » où se conjuguent les effets néfastes des guerres civiles, des pestes et de la famine. Elle est décrite ainsi par celui qui est alors considéré comme le plus éminent des Chassiérois. Guillaume de la Motte écrit dans son livre de raison : « la mortalité a été telle que journellement en cette paroisse, on enterrait de pauvres corps, parfois jusqu’à neuf corps par jour et presque toutes les maisons du dit lieu de Chassiers étaient malades, le tout provenant de la guerre et estrême famine… Chose admirable, provenant de Dieu devant nos péchés …le pain duquel usait le pauvre peuple était composé de racines de figuier, raques de raisin, sarments de vignes, os d’olives et écorces de noix ou amandes… (si bien que les humains) paissent les herbes comme pauvres bêtes brutes… »

Et nous serions alors en pleine Renaissance !

Eh oui… Même à Chassiers, celle-ci laisse des traces : sur la Place, cinq ou six maisons (dont il ne reste aujourd’hui que des bouts de façade avec notamment des fenêtres à meneau et quelques éléments intérieurs comme parfois un somptueux escalier de pierre) appartenant à la famille des Chalendar de la Motte ou à des notables de moindre envergure, Massot de La Fon, Bellidentis, reflètent le goût des notables du lieu et d’une grande partie de l’Europe pour une architecture ordonnée,orthogonale dans ses lignes principales, mais alanguie dans ses détails par des moulures qui recherchent l’élégance parfois de façon maniérée. On trouve aussi quelques demeures du même genre dans le quartier Saint-Benoît entre la chapelle et le château de la Motte. Et la belle porte du haut du village, donnant sur le bas du château de la Vernade est une réussite parfaite qui montre que la Renaissance ne s’est pas cantonnée dans le Royaume aux châteaux de la Loire.
la place

Ce fossé entre les constructions de l’esprit et ses dépravations, nous le mettons spontanément au compte de la fracture sociale qui opposerait la misère matérielle et morale du peuple pauvre (reflet lointain du Moyen-Âge) et l’accumulation de richesses, de pouvoirs et de connaissances dans la partie huppée des populations (annonce du monde moderne). On peut accepter cette manière de se rassurer, qui fut d’ailleurs sans doute partagée à l’époque par tout le monde. On peut aussi s’interroger sur le contenu même du concept de Renaissance et se demander s’il n’y aurait pas, des fois, quelque logique interne qui ferait que les ordures du temps (et en particulier les trois fléaux si sensibles à Chassiers en 1586) relèvent du même mouvement qu a déjà donné au monde Léonard de Vinci et qui s’apprête à lui donner Galileo Galilei. On devine où va ma préférence !

Encore médiéval ou déjà moderne et donc renaissant, Chassiers survit en cette fin du seizième siècle. Certes, le village demeure principalement paysan mais, je l’ai déjà souligné, les activités commerciales et intellectuelles de la Renaissance y ont développé une bourgeoisie originale qui n’existe pas (ou si peu) dans les villages environnants. À côté de l’aristocratie déjà ancienne des Chalendar et la Vernade, on trouve des notaires derrière la famille des Bellidentis-Rouchon. Aristocrates et notaires sont côtoyés, parfois de près, par des marchands : Tailhand, plus ou moins huguenot, Rippé, tout à fait catholique, Payan, Dufour, Chenivesse, Dupuy. Certains ont seulement leur résidence au bourg que sa situation rend attrayant pour ceux qui recherchent l’espace et le soleil et veulent fuir le monde aqueux de Lagentière. En ce sens, Chassiers est déjà un peu le quartir chic de « la Ville ».

Ces notables se fréquentent entre eux et fréquentent les nobles, notamment dans la Confrérie des Pénitents Bleus. Ils se mettent au goût du jour et, sous leur influence, le centre du village semble avoir alors quitté le quartier Saint-Benoît pour se rapprocher de la Place. Ils font que le bourg de Chassiers devient une véritable petite ville aussi bien par le type d’activités qu’on y rencontre que par le nombre de « feux », supérieur à celui de Largentière.

La présence de nombreux artisans renforce cette impression, même si leur travail est souvent lié à l’agriculture : à côté de Derocles, le meunier de Lutte, d’Amblard, le tailleur de pierres, de Vincent, des Couronnes, maçon, de Mascarat, le maréchal plus ou moins quincailler, on trouve aussi Etienne Brun, dit Trincat, le tailleur de draps, ou Jean Blachère, dit Merzelet, le muletier. Des familles paysannes, nous ne connaissons par les textes que quelques noms, lorsqu’elles donnent des prêtres (Ladet, Lieutier, Feuillade) ou des gardes pour le cs châteaux (Claude Léoutier, dit « le tondu », Guillaume Dupuy, Claude Court). la place2

Une société donc assez variée, plus qu’ailleurs certainement, qui renforce dans l’idée que les calvinistes devaient y être plus nombreux que les textes veulent bien le dire, surtout quand ils sont sollicités d’une certaine façon.
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