Mille ans plus tard ou à peu près …

Nouvelle ontologique

On trouvera ici le 1.

2

En effet, il s’aperçut – mieux : il voulut s’apercevoir! – que ces textes semblent dans ce qu’il appelait, sans doute un peu légèrement, le droit fil de sa propre réflexion. Certes, ils lui parurent abscons et d’une abscondité fort éloignée de celle qu’il utilisait alors si volontiers, mais pourtant capables de provoquer en lui quelque chose (mais quoi?) qui s’apparentait à de la compréhension. S’il ne pouvait pas ne pas remarquer la lenteur de sa lecture, crayon en main et recours fréquent aux dictionnaires de la Toile, et le caractère myope de cette lecture, il acceptait de pressentir qu’un certain cheminement s’esquissait parfois. Au point qu’il eut souvent envie de mettre noir sur blanc ces esquisses ou leurs ébauches. Noir sur blanc était sans doute beaucoup dire car il arrivait souvent que le noir fût moins gris que le blanc. Ce qui après tout est assez adéquat pour un commentaire de commentaire à propos de quelque chose qui s’intitule « Lumière sur Lumière ».

Le temps qu’il passa à entreprendre sa lecture lui parut d’abord fort long (et lui interdit matériellement d’aller au-delà du premier des trois textes ismaéliens) mais, à la réflexion, notre être humain se dit que ce temps est dérisoire au regard des mille ans qui semblent séparer l’époque actuelle de l’époque fatimide : un instant par rapport à l’éternité. Qu’un millier d’années soient assimilables à l’éternité lui parut d’ailleurs vite bizarre sans qu’il parvînt à déceler si son étonnement venait du texte qu’il s’efforçait de lire, de ce fameux droit fil de sa réflexion du moment ou du simple calcul élémentaire qui rapporterait ce millier d’années aux multiples milliards d’années que notre galaxie est censée avoir déjà vécues. Sans parler, bien entendu, des « années lumière » de l’univers.

Le premier des trois textes ( et donc le seul qu’il eût le temps d’essayer de lire) a pour titre Le Livre des Sources dans la traduction de Henry Corbin, mais celui-ci, bien sûr, nous précise qu’il s’agit, en arabe, de Kitâb al-Yanabi’ . Son auteur est un incertain Abou Ya’qûb Sejestani, être humain de l’époque fatimide, qu’il est préférable (pour des raisons que la suite rendra sans doute plus claires) de ne confondre ni avec l’auteur de ces lignes, ni avec celui qui est en passe d’en devenir le héros, ni avec Henry Corbin, ni avec tout autre être, humain ou pas, qui viendrait à être évoqué par la suite. Pour les mêmes raisons, il n’est pas indispensable de se documenter sur l’époque fatimide. Notre homme vous dirait que moins vous en savez sur elle et moins vous serez handicapés par des connaissances nécessairement inadéquates !

( à suivre 3)

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