Le recours à la poésie

Quelques Poèmes (2)

*

Le début de cette série de poèmes est ici.


Sur la nuque du soir la hulotte
Et son appel.
Le silence en mesure l’écho de relais en relais.

On a sans doute entrevu quelque chose.
On doute et les grillons froissent
La nuit
S’en vient.

Le lieu appelle, il ne prononce pas.

*

Le lieu appelle, il ne prononce pas.
Trop de vie s’en est allée par les pivoines de métal.


La toute jeune fille
Hante un horizon après l’autre.
Avant l’autre.
Il n’est épaule ni fossette qui tienne quand le soir
Défait
Pour la nuit
Sa chevelure de folle.


Les avoines aussi se souviennent.

*

Assise et depuis toujours dans ses jupes serrées,
Le lieu l’efface,
Le lieu l’appelle.


avoine

Est-elle hulotte ou seulement
Le sens des silences qui soutiennent son chant ?


Les grillons font chuter les étoiles
Et en couvrent ses épaules.


On se prend à attendre qu’elle se lève à l’horizon.


Le lieu appelle, il ne prononce pas.

*

Au bassin,
Les crapauds lancent des billes d’air frais.
Le rossignol
En fait des bulles.


Les avoines espèrent
Et
Plient.

*


À travers l’août, d’où vient cet attelage?
Il ouvre, roux, des sillons pour l’automne.
De part et d’autre, les mottes de la nuit
S’inclinent.

*

Le lieu appelle, il ne prononce pas.
Il ne prononce pas le lieu n’enferme pas.

L’appel de la hulotte déverrouille la nuit l’été.
Les portes battent le silence
Circule.

*


Les avoines racontent une histoire.
Les étoiles se penchent, basculent, recommencent,
Recommencent.


De travers, la reinette
Attend la suite.

*


L’été le soir sort ses marelles.
La reinette cloche-pied
Interroge.
Le lieu appelle,


La hulotte répond
Si peu.

*


L’enfer calme des envers de l’été,
On le devine si le vent décélère.
C’est le paradis aux avoines.


On ne veut pas savoir. On
Glisse d’un pas sur l’autre.
Signe après signe.
Horizon de l’horizon.

*


Le lieu appelle,
Il ne prononce pas il s’ouvre
(suspendue la cheville ne se posera pas, ni la socquette
blanche)
Il s’ouvre au suspens de l’être.

*


C’est fou ce qu’on est maladroit, si
la reinette traverse le soir, à cloche-pied.

Le vent
D’un revers,
Écarte les écumes de chaleur.


Le lieu appelle, il ne prononce pas.
Juste un peu

*


Et l’horizon s’éloigne de ligne en ligne,
Le ciel s’arrondit
Juste assez pour recevoir l’encens
Et les andains.

*


On fane, on hume, on est l’odeur de l’herbe,
On s’élève.
Rien ne manque à l’instant,
Sinon savoir si.

Des rumeurs de foins guettent.

*

L’espace au vent,


Les avoines s’inclinent,

Effacent soulignent.

L’août jette des cigales dans les yeux de l’été.


Le lieu appelle, il ne prononce pas.


Il plisse sa paupière d’herbe sèche,

Il attend que ça passe.

De terrasse en terrasse,

Les chaleurs s’éboulent.


Et ça passe.

*


Il y eut un fracas d’octobre,
Suivi d’un silence.
Depuis,
On attend.

*


Impatiences contre le ciel.
L’orage piétine, sargasses à l’affût.
On rêve. L’herbe aussi.
Ce qu’il en reste…
Le lieu appelle, il ne prononce pas.


L’avoine grille,
Les aines et les aisselles aussi.
Par le travers des nuages,
L’éclair fend
Les cigales.


Le lieu appelle,
L’herbe rêve, évaporée,
Toute pivoine éteinte.

*


La paume offerte, on
Aimerait tant qu’elle soit là,
L’avoine gauche,


Le suspens du lieu,
Son appel juste avant de se taire,
Quand la hulotte froisse
L’été la nuit,


Et l’orage rameute ses charrois de nuages en davalade.


Le lieu appelle, il ne prononce pas.

*


Éternellement sculpté là,
Sous les ciseaux des cigales,
Son être est d’être là,


De jeter à la face du fol qui passe
Le geste de l’envol
L’avoine et la hulotte.


Le lieu appelle,
Et le fol suffoque
Trop d’absence
Trop de sens.


Il ne prononce pas.

*


La Rouvière
1991-1993-2012

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