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Quelque part vers le sud, mais pas trop… (3)


Chassiers appartient à la partie méridionale de l’avant-pays cévenol où semblent se conjuguer un relief pentu et des pluies méditerranéennes. Le fait est qu’au printemps et surtout en automne, il peut arriver que le ciel torde ses serpillières sur ces premières pentes de la « montagne sèche » et multiplie les ravines. La Commune a d’ailleurs obtenu raisonnablement son classement en « zone de montagne », bien que son point culminant (le Ranc Courbier, au sud-ouest de Joux) dépasse à peine les 600 mètres d’altitude. Les « épisodes cévenols » n’y sont pas rares, qui menacent les murets de pierres sèches, décaissent routes et chemins ou submergent la station d’épuration qui peut cesser d’être opérationnelle pendant de longues semaines après un gros orage.


Inversement, l’été donne parfois l’impression d’une certaine aridité, surtout depuis quelques années (2008 a été épargné !) et dans les endroits les plus venteux, quand les sources tarissent au moment où elles font le plus besoin. Les maisons les plus anciennes comportent encore une citerne bien utile en ces temps de réchauffement climatique.

Pourtant, j’ai envie de corriger cette « lecture » en insistant au contraire sur le caractère modéré de la présence méditerranéenne ici. Nous ne sommes pas ici sur le versant subtropical du monde méditerranéen mais sur son versant tempéré. Et, de mon point de vue au moins, c’est tout bénéfice! Chassiers ne connaît pas les affleurements calcaires qui dressent face au ciel intense des rochers plus blancs que gris et qui semblent annoncer le désert. Ils ne sont pas loin, sur les « Grads » du côté de la vallée de l’Ardèche, mais ils évoquent comme naturellement des impressions qui sont à mille lieues des « paysages » chassiérois. Et si je mets des guillemets, c’est pour signaler que j’emploie ce mot avec son sens pictural de construction esthétique volontaire et non avec son sens habituel de donnée plus ou moins brute.


Le « paysage » de Chassiers (un peu confus si on reste à la surface du relief) s’organise à partir d’une dorsale mamelonnée qui commence au village ou juste au dessus (à peu près 400 mètres) pour monter doucement et par vallonnements vers les Combes et Moncouquiol (environ 500 mètres) et dépasser nettement les 500 mètres autour du hameau de Joux. Cette dorsale joue le rôle de château d’eau d’où partent des « rieus » qui y prennent source avant de « davaler » vers la Lende (à l’est) et vers la Ligne (à l’ouest). Quelques sapinières récentes s’ajoutent aux pins d’Alep qui ont, malheureusement, ici aussi, chassé les châtaigneraies, jadis abondantes. La progression du chêne (vert ou blanc) renforce le caractère verdoyant de cette présence et donne de la douceur à l’ambiance.

Ce relief ne reflète pas clairement la structure du sous-sol : la nature des roches et leur disposition n’ont pas permis à l’érosion différentielle de souligner nettement la géologie du lieu. Le terroir de Chassiers appartient sur le plan géologique à la zone de contact entre le socle hercynien (par quoi Chassiers appartient bien au Massif Central) et sa couverture sédimentaire la plus ancienne. Le socle affleure de Chalabrèges au ruisseau de Chaumezelles (à la limite de Chazeaux) et présente surtout des gneiss et des micaschistes, avec quelques filons de leptynites, mais aussi, dans les gorges des Ranchisses, un petit massif granitique. Quant à la couverture sédimentaire, elle témoigne de la présence de lagunes ou de rivages peu profonds datant du permien (fin de l’ère primaire) ou du trias (début de l’ère secondaire) ce qui donne des argiles rouges ou des grès plus ou moins bien homogénéisés.

grès permien avec herbe
Grès permien avec herbes
En fait, les précisions précédentes sont moins là pour garantir le caractère scientifique de ce texte (qui n’y aspire aucunement) que pour aider le visiteur à rêver. Observez d’un peu près, en effet, ces grès grossièrement agglomérés, ces arkoses encore plus mal dégrossies, ces gneiss qui, se délitant si facilement, font jurer le maçon et pressentez la qualité de la lumière qu’ils emprisonnent à la fois et libèrent. Percevez dans les envies de mots qui vous viennent à l’esprit (et qui n’y arriveront sans doute pas) la présence que j’aurais tort de vouloir saisir dans des concepts auxquels elle échappe forcément et qui diraient ou voudraient dire qu’il s’agit de cette lumière impossible et que le poète Yves Bonnefoy appelle « la lumière profonde ». Contentez-vous de laisser les grumeaux du roc, les diaclases qui l’entrouvrent, les oxydes de fer et d’aluminium qui le font chanter dans les soleils rasant inviter le passant à sortir du temps et de l’espace pour s’ancrer ici et maintenant, sensible enfin à l’intense.
Le Songe d’un Habitant du Mogol

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La précédente municipalité s’était cru obligée de remplacer le Plan d’Occupation des Sols, déjà maintes fois remanié depuis sa création en 1988, par un Plan Local d’Urbanisme. Il est vrai que la loi dite « SRU » (Schéma de Rénovation Urbaine, je crois), votée par un Parlement de Gauche pour permettre aux collectivités locales de mieux contrôler l’urbanisation autour des agglomérations, incite vivement les municipalités à se doter de cet outil. Soit. Sauf erreur de ma part, la Municipalité Moretto a donc adopté en 2007 un Plan Local d’Urbanisme (un PLU) dont apparemment la principale nouveauté par rapport à l’ancien POS consiste à permettre une certaine expansion du camping des « Ranchisses ».

Un débat – assez véhément – semble avoir accompagné l’enquête publique qui fut ouverte à ce moment, mais, curieusement, la liste qui devait l’emporter au détriment de la liste sortante présentait, côte à côte, le propriétaire du camping et le président de l’association qui s’était créée pour protester contre l’expansion de ce camping.  Le corps électoral devait d’ailleurs trancher en acceptant de se porter majoritairement sur cette liste mais en en excluant le propriétaire du camping. Pourtant, les commentaires sur ce scrutin semble avoir attaché plus d’importance à la défaite de la municipalité sortante qu’à l’échec de ce professionnel du tourisme. Il faut dire qu’aucune des listes en présence n’avait abordé, dans sa profession de foi, la question du PLU.


Or, quelques semaines après son succès, la nouvelle municipalité avait à voter le budget primitif pour l’année 2008. Chacun comprend bien que le degré de liberté d’une nouvelle équipe est très limité et qu’il est normal que celle-ci mette ses pas dans ceux de ses prédécesseurs et il n’est pas du tout de mon propos de le lui reprocher. En revanche, j’aurai tendance à m’étonner que le Budget adopté prévoie 20.000 euros (somme dont on conviendra qu’elle est rondelette) pour une révision du PLU semblant sortir du chapeau comme par enchantement.


Plus encore qu’un Plan d’Occupation des Sols (puisqu’il est articulé,lui, avec d’autres PLU sur un Schéma général) un Plan Local d’Urbanisme est destiné à orienter le moyen et le long terme et non à fluctuer de court terme en court terme. Décidé en 2007, après consultation de la population, le PLU avait logiquement une espérance de vie d’au moins une mandature. Que s’est-il donc passé pour qu’on envisage si vite d’abréger sa durée? Je n’en sais rien mais ces 20.000 euros m’offrent l’occasion d’exprimer ici ma réticence quant à une certaine manière d’envisager l’avenir proche de la commune.


Je note d’abord qu’aucune des listes en présence en mars 2008 n’a donné d’indications sur la manière dont elle envisageait cet avenir : il nous a été présenté soit des précisions sur des points de détail soit de très vagues intentions interchangeables et qui n’engagent à rien. Certes, cette absence de vision est très répandue (au point qu’elle est parfois considérée comme la clé du succès électoral) mais elle a l’inconvénient, majeur à mes yeux,  de contraindre (ou d’autoriser) les élus à gérer la Commune tantôt de façon myope au gré des pressions au jour le jour des proches ou des familiers, tantôt -pour s’élever un peu au dessus du quotidien – de façon autoritaire, en s’abritant derrière les réglements nationaux ou européens et en transformant la Mairie en annexe de la Sous-Préfecture.


Je note aussi que sous le dernier mandat de Paul Lemblé et sous le mandat de Georges Stempert, un effort partiellement réussi avait été accompli pour proposer à la population une sorte de projet de vie collective qui était certes plus une intention qu’une réalité, mais du moins l’intention existait-elle ouvertement et se traduisait-elle par des réalisations concrètes appréciées : pas seulement la construction d’une école neuve et ses agrandissements mais aussi l’aménagement des espaces publics, pas seulement des réalisations matérielles mais aussi la participation des élus à la vie associative… Chassiers avait ainsi acquis par rapport aux communes environnantes une réputation enviable, peut-être même un peu surfaite!


De quelle intention s’agissait-il ? Je l’ai précisé dans le précédent billet : « Il était proposé aux Chassiérois de se représenter leur commune comme un « pays » où se trouvent réunies, un peu par le hasard, un peu par la similitude des choix de vie, des familles dont les individus sentent plus ou moins vaguement qu’ils sont orientés par l’environnement vers un genre de vie calme, lent, convivial n’excluant pas l’usage des moyens de communication les plus contemporains pour demeurer en contact avec les goûts plus bruyants, plus rapides, plus grégaires de « la ville » mais en gardant en permanence la possibilité rassurante de revenir au bercail. Une sorte de commentaire ou d’illustration de ce que les sociologues appellent « le mode de vie rurbain », condensant dans ce néologisme une double aspiration qui a aussi le mérite de rapprocher population traditionnelle et nouveaux venus, retraités et adultes plus jeunes ou enfants et même des marginaux qui peuvent se sentir plus en sécurité ici qu’en ville. »


Je répète qu’il s’agit plutôt d’une intention, c’est-à-dire d’une orientation non impérative et qui n’est pas toujours suivie d’effets, mais qui propose aux Chassiérois une manière possible de se gérer et de gérer leur cadre de vie. Au sens strict, c’est une « profession de foi »… qui peut sembler vide et qui le reste effectivement tant qu’elle ne se traduit pas par des décisions précises prises par les élus et reliées par eux et par leurs « administrés » à cette profession de foi. En fait, on le voit, il s’agit d’une grille de lecture permettant à tous ceux qui le désirent (et sans obligation de leur part si ce ne sont pas des élus) de comprendre les décisions concrètes en les intégrant dans un projet.


On le comprend peut-être mieux maintenant : les 20.000 euros mis de côté par le Budget Primitif de 2008 pour réviser le PLU me paraissent peu compatibles avec cette intention. Je trouve qu’il eût été préférable d’entendre le nouveau Maire de Chassiers préciser que, vu le caractère récent du PLU dont il a hérité, ces 20.000 euros doivent être considérés comme une réserve à laquelle on ne touche pas durant la durée de son mandat.

Vous pouvez trouver ici un début de commentaire de ce billet

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Les premières indications contenues dans Quelque part vers le sud(1) se sont efforcées d’être plus subjectives qu’objectives. Un des refrains de ce blog sera sans doute, en effet, qu’il s’agit de représentation et non de réalité : ce qui est écrit ici (et ailleurs) n’est pas la réalité de Chassiers (si elle est, personne ne peut la connaître) mais une représentation possible de ce morceau d’espace. La lecture proposée des conditions géographiques de la commune est seulement destinée à faire comprendre comment je me représente Chassiers et ses habitants et à essayer de faire partager ce point de vue.

Je vais quand même tenter d’introduire une illustration dans ce blog plutôt austère ! Voici donc un schéma très simplifié et à main levée du relief de Chassiers.schéma du relief de Chassiers [cliquez sur l'image pour l'agrandir]

Deux vallées assez évasées correspondent aux rivières de Ligne (affluent de l’Ardèche) et de Lende (affluent de la Ligne avec laquelle elle conflue un peu en aval de Largentière) et sont dominées sans abrupt (sauf aux approches de Largentière) par un moutonnement de serres qui culminent au nord près de Joux (le Ranc Courbier, 608 mètres d’altitude) et perdent de l’altitude en allant vers le village chef-lieu.
Pont de Lande
Le petit pont sur la Lende


croix de coudert
Pour regarder plus confortablement cette image, cliquez-droit dessus(ou si vous êtes sur Mac avec une souris sans clic droit, faites Ctrl+clic, ça revient au même) puis demandez « Afficher cette image ». C’est déjà mieux. (publié le 2 octobre 2008)


Continuez donc sur Un terroir bien tempéré?

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Coordonnées

Un peu sur le relief

Un peu sur le climat

Rêverie autour d’un petit château

Coordonnées

Prenez une mappemonde, bien sphérique. Repérez dessus, un peu à droite du méridien de Greenwich, le méridien 4° E Repérez maintenant, pratiquement à mi-chemin entre le Pôle Nord et l’Èquateur, le parallèle 44°N. Observez l’endroit où ces deux lignes (imaginaires, comme il se doit) se coupent. Vous y êtes? D’accord! Vous n’y êtes pas vraiment (mais y est-on jamais vraiment?). Alors, à partir de ce point, déplacez-vous d’un tout petit peu vers le nord et d’un petit peu encore plus petit vers l’est : cette fois, vous y êtes.

Sauf que le point mathématique au croisement du méridien et du parallèle prend de l’épaisseur et s’étale sur une douzaine de kilomètres moins carrés qu’on ne s’y attendrait.Chassiers, en effet, ne se réduit pas à son village chef-lieu : c’est un territoire dont le finage (le périmètre, si on veut) englobe aussi deux douzaines d’écarts, parfois assez éloignés du « centre ». Les deux tiers de ses résidents habitent d’ailleurs dans ces écarts et ne manquent pas parfois de se plaindre que la Mairie se consacre trop au « village ». En 1939, par exemple, on eût pu croire que le principal souci des chefs de famille des hameaux de Joux, la Rouvière, Moncouquiol ou Luthe était de savoir si la commune de Chassiers accepterait qu’ils soient rattachés à la commune de Rocher ! En fait, qui veut contribuer à orienter la vie collective des habitants de la commune rencontre nécessairement cette question et doit proposer des solutions, non pas pour qu’elle ne se pose plus mais pour éviter qu’elle dégénère.

croquis

Un peu sur le relief

Cela dit, l’environnement géographique incite plus à la sérénité qu’à la colère. Latitude et longitude définissent un espace cévenol situé aux confins des derniers contreforts sud-sud-est du Massif Central, pas du tout montagnards, à peine montagneux, malgré l’importance des dénivelés : en trois kilomètres de vol d’oiseau, on passe de 195 mètres d’altitude à 608 mètres. Déjà, les voyageurs du dix-huitième siècle insistaient sur ce qu’ils appelaient le caractère « riant » de ce terroir pour l’opposer aux « pays affreux » des Alpes et du Plateau Ardéchois. Et c’est vrai que les « serres » de la dorsale centrale qui organise le relief de la commune donnent un moutonnement de collines douces à partir desquelles et vers lesquelles le regard peut à la fois s’élargir et se poser sans être continuellement arrêté par des abrupts ni se perdre dans le vide des lointains.

Un peu sur le climat

Certes, ces « amphithéatres » (comme les nomme le Cahier de Doléances rédigé en 1789 pour les chefs de famille de la communauté) sont encore aujourd’hui « excoriés » par les pluies méditerranéennes, surtout en automne, qui arrachent les murets de pierres sèches et peuvent submerger la station d’épuration, mais, ici, le climat méditerranéen est en général adouci à la fois par la latitude (un peu plus au nord, l’olivier disparaît) et par l’altitude : l’olivier et la vigne voisinent avec le châtaignier, le pommier, le pêcher, le cerisier, le frêne. Plutôt qu’aux touffeurs qui pèsent souvent sur les garrigues languedociennes ou les maquis provençaux, j’aime à comparer l’aspect aérien du climat local à ce que je m’imagine de la Toscane : de la lumière, oui, de la lumière partout, certes, et fort solaire, mais qui cherche à se faire pardonner son outrance en dispersant ses atomes comme autant de gouttelettes. Un bassinage lumineux…

Rêverie autour d’un petit château

la motte chalendar

En dehors de la Rouvière, c’est aux alentours du petit château de la Motte que je crois ressentir le mieux cette atmosphère aérienne dans laquelle les oxydes des grès les plus gris inventent – sans y insister – des orangés, des roses et des roux surtout aux heures et aux saisons où les ombres s’allongent. L’intelligence et la bonté y sont si présentes qu’on imagine ici le souvenir de ce Guillaume de la Motte qui, vers 1572, quand les guerres civiles religieuses offraient à n’importe qui les prétextes les plus violents pour régler ses comptes personnels (son château avait été incendié en 1568), se serait arrangé avec son ami calviniste, Olivier de Serre, pour éviter que les massacres de la Saint-Barthélemy n’aggravent dans le pays une situation déjà fort douloureuse.

Pour en savoir plus vous pouvez aller ici

Bien entendu, il s’agit d’un Guillaume de la Motte imaginaire ( vit-on jamais des personnages historiques autrement qu’en imagination ?), mais il me semble qu’il est possible sans effort d’imaginer un bon « mesnager des champs » face à son « théâtre d’agriculture » devant cet édifice modeste qui évoque plus une « villégiature » florentine du dix-neuvième siècle qu’un château-fort, bien qu’il remonte, pour ses parties les plus anciennes, au début du seizième. En tout cas, passant un peu vite de l’imaginaire au symbolique, j’y verrais facilement l’allusion au terroir méditerranéen bien tempéré qui entoure le village de Chassiers…


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